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(please follow) the golden path

Llittérature, films, séries, musique, etc.

du sang et des larmes

Publié le 26 Août 2016 par F/.

du sang et des larmes

Bonjour, je suis la rentrée littéraire. Une vieille chose obèse, à moitié folle mais notablement fortunée à laquelle, pour cette raison et une fois par an, on passe à peu près tout : ses éructations vulgaires, ses assertions gratuites, sa voix grave et éraillée, notoirement assommante. En fin de soirée, la rentrée littéraire monte sur la table, lève la jambe et exhibe ses pauvres jupons. On est censé applaudir en espérant - sans y croire une seconde - qu'il n'y aura pas de prochaine fois. En vérité, on n'est censé rien du tout. On peut, en toute candeur, pousser la porte d'une librairie (quand elle ne s'ouvre pas d'elle-même sur votre passage, toutes les portes de librairie devraient faire ça) et lire ce que les libraires ont écrit sur leurs petites fiches cartonnées, voire - audaces fortuna juvat - prendre un livre soi-même, le soupeser tel un fruit nouveau, en humer d'abord le grain et la substance avant, pure et simple extase, d'en tourner quelques pages, comme on garde en bouche un cru nouveau. Souvent, le premier contact dit tout et la connexion, si connexion il y a, s'établit d'elle-même. Un procédé narratif (jetez un œil au Anatomie d'un soldat de Harry Parker chez Bourgois, par exemple - l'histoire d'un jeune capitaine en convalescence racontée par 45 objets témoins du désastre), un projet, une sensibilité, une langue, surtout, quelque chose entre l'impatience et la douleur, le plaisir de l'urgence et l'appel de la sérénité.

Ces temps-ci, je traîne pas mal dans les rayons de la librairie Delamain, en face de la Comédie française à Paris. J'y ai notamment reconnu le splendide Amour monstre de Katherine Dunn, entre Freaks, Swamplandia et Balzac, si l'on veut, finaliste en son temps (1989) du National Book Award. Contrairement à ce qu'annonce la 4e de couverture, hélas, Katherine Dunn ne "vit pas" à Portland. Elle est morte en mai dernier, d'un cancer du poumon peut-être dû à la clope qu'on la voit fumer sur l'une de ses photos les plus belles. Pour lui dire merci, c'est trop tard, mais on peut dire merci à l'éditeur, Oliver Gallmeister. Et puisqu'on parle de mort : je me demande si le N'essuie jamais de larmes sans gants de Jonas Gardell, sidérante chronique scandinave des années sida, recevra en nos terres toute l'attention qu'il mérite. Si vous avez vu un jour le superbe The Normal Heart, diffusé en 2014 sur HBO, vous savez déjà à quoi peut ressembler ce genre de symphonie funèbre : un conte plein d'amour et de fureur, qui se termine invariablement dans une chambre d'hôpital trop claire avec le mot "pourquoi" peint au plafond en lettres de sang. L'auteur n'a pas pris de gants pour écrire ce terrible roman de presque 600 pages qui ressemble à une vague, et brille moins par son style que par son énergie désespérée, son invincible force de conviction : bientôt, tout ce que en quoi vous croyiez sera renversé par une lame de fond aveugle. En Suède (où, justement, son livre est devenu aussi une mini-série à succès), Gardell est une star du stand-up et de la littérature. Marié à un présentateur tout aussi célèbre, il a fait beaucoup, apparemment, pour la cause gay, et a même reçu un prix des mains de la princesse Victoria. How queer is that ? Mardi 6 septembre à 18h30, il sera à l'Arbre à lettres Bastille ; ça risque d'être quelque chose.

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