La sélection des nouvelles pour l'antho de Serge Lehman est terminée. Quinze heureux (enfin, quinze, si on veut), 225 textes refusés, et beaucoup de discussions sur les forums, avec leur lot
réglementaire d'aigreurs et d'incompréhensions. D'abord, il faut saluer le boulot de Gilles Dumay : sortir une antho de nouvelles françaises ne rend pas riche, loin s'en faut. Un certain nombre
d'éditeurs y ont même laissé des plumes. Dumay aime ce qu'il fait, et inversement : dans le paysage éditorial actuel, c'est une sacrée qualité.
J'ai eu Serge au téléphone hier, il m'a raconté toutes les nouvelles et c'était fabuleux. Je veux dire, tout le monde sait à peu près ici que je ne nourris pas une passion vertigineuse pour la science-fiction - pas, en tout cas, pour l'image de la SF telle qu'elle semblait se dégager des anthologies précédentes, publiées il y a quelques années au Fleuve Noir. Mais beaucoup de choses ont changé.
Premier constat : à l'exception de Jean-Claude Dunyach, aucun grand nom de la génération Fleuve Noir, justement, n'apparaît au sommaire : ni Wagner, ni Ligny, ni Ayerdhal, ni Genefort. Non que ces écrivains aient vu leurs textes refusés : tout simplement, ils n'en ont pas envoyé - et, d'une certaine façon, ça me paraît plus significatif encore.
Ensuite, évidemment, seul un texte de débutant a résisté à l'écrémage. Rien d'étonnant à cela quand on relit l'appel à textes : "Je souhaite juste publier un grand livre de science-fiction, rempli d’histoires splendides. Un livre intense où s’exprimeront les voix du moment, aussi claires et puissantes que possible." Le débutant fait ce qu'il peut : face à une horde de jeunes fauves confirmés (ou semi) violemment désireux de voir leur nom inscrit au palmarès du grand livre en question, il n'a quasi aucune chance.
Le sommaire, au final, abrite à peu très tous les gens que j'aime bien. Je ne citerai pas leurs noms, ce n'est pas mon job. Disons qu'il y a une fine blonde dans le tas, et un type qui fait aussi de la musique, et un autre type qui a une belle barbe, et un jeune crétin qui fait des couvertures, etc.
Surtout, Serge m'a vanté le texte d'un auteur "semi-pro" dont j'ai eu la chance de lire les premiers écrits il y a un bon paquet d'années maintenant et que je me félicite plus que jamais (et sans vergogne, notez bien) d'avoir repéré (je n'étais certes pas le seul), voire quelque peu encouragé (bon, je ne suis plus très sûr, en fait ; mais je suis certain de ne lui avoir pas dit de tout arrêter, au moins ; je suis même certain de m'être dit "voilà un écrivain"). Bref : l'auteur en question est devenu un copain - il se reconnaîtra sans peine en sale petit cafard alsacien qu'il est.
Les autres histoires paraissent grosso modo fabuleuses. Leurs pitchs, au moins. Ce qui leur a donné naissance. Très peu de space opéra, beaucoup de trucs bizarres, simplement saisissants, des claques, des saignées, des trouées de lumière.
Une remarque de Serge, en passant, m'a frappé. Il m'a parlé de mon texte, et de celui d'un ami. Il m'a dit "avec toi et X (et je suis certain que X, lui aussi, se reconnaîtra sans le moindre mal), j'ai eu le sentiment de m'être fait un peu avoir". Comprendre : "toi et X, vous désiriez tellement figurer au sommaire de cette anthologie que vous m'avez écrit des textes pas spécialement géniaux mais presque impossible à refuser, conceptuellement parlant." Ouais, X et moi, nous savons faire ça : des trucs que nous sommes les seuls à pouvoir écrire. Des trucs qui font dire à l'anthologiste, non pas "oh mon dieu quelle merveille" mais "mm - ce serait dommage de se priver d'une connerie pareille."
Non, ce ne sont certainement pas nos meilleurs textes (là, je ne peux parler que pour moi - X confirmera peut-être) mais, très étrangement, nous voulions être de cette antho de SF, nous qui au fond n'en écrivons plus depuis des siècles et n'en avons probablement jamais écrit - nous voulions en être, en écrivant nos textes trois jours avant la deadline comme il se doit, parce que, précisément, nous suspections l'anthologiste d'avoir donné un sens nouveau au mot science-fiction - ce qui était exactement ce que nous pouvions attendre de lui. Et nous pouvons être fiers : non pas d'avoir été retenus, en méchants truqueurs / séducteurs que nous sommes (à un moment, Serge pensait que j'étais X et inversement ; passé le frisson initial, cette confusion m'a empli d'une joie puérile), mais d'être montés dans le train, en si folle et belle compagnie.
Je peux me tromper, et je ne me base encore une fois que sur ce que Serge m'en a raconté, mais je soupçonne que les perles véritables d'Escales 2010 n'émaneront pas forcément des auteurs attendus : il y aura au sommaire suffisamment de têtes brûlées et de chiens fous pour combler vos appétits de weirdness, de sauvagerie et de littérature.
J'ai eu Serge au téléphone hier, il m'a raconté toutes les nouvelles et c'était fabuleux. Je veux dire, tout le monde sait à peu près ici que je ne nourris pas une passion vertigineuse pour la science-fiction - pas, en tout cas, pour l'image de la SF telle qu'elle semblait se dégager des anthologies précédentes, publiées il y a quelques années au Fleuve Noir. Mais beaucoup de choses ont changé.
Premier constat : à l'exception de Jean-Claude Dunyach, aucun grand nom de la génération Fleuve Noir, justement, n'apparaît au sommaire : ni Wagner, ni Ligny, ni Ayerdhal, ni Genefort. Non que ces écrivains aient vu leurs textes refusés : tout simplement, ils n'en ont pas envoyé - et, d'une certaine façon, ça me paraît plus significatif encore.
Ensuite, évidemment, seul un texte de débutant a résisté à l'écrémage. Rien d'étonnant à cela quand on relit l'appel à textes : "Je souhaite juste publier un grand livre de science-fiction, rempli d’histoires splendides. Un livre intense où s’exprimeront les voix du moment, aussi claires et puissantes que possible." Le débutant fait ce qu'il peut : face à une horde de jeunes fauves confirmés (ou semi) violemment désireux de voir leur nom inscrit au palmarès du grand livre en question, il n'a quasi aucune chance.
Le sommaire, au final, abrite à peu très tous les gens que j'aime bien. Je ne citerai pas leurs noms, ce n'est pas mon job. Disons qu'il y a une fine blonde dans le tas, et un type qui fait aussi de la musique, et un autre type qui a une belle barbe, et un jeune crétin qui fait des couvertures, etc.
Surtout, Serge m'a vanté le texte d'un auteur "semi-pro" dont j'ai eu la chance de lire les premiers écrits il y a un bon paquet d'années maintenant et que je me félicite plus que jamais (et sans vergogne, notez bien) d'avoir repéré (je n'étais certes pas le seul), voire quelque peu encouragé (bon, je ne suis plus très sûr, en fait ; mais je suis certain de ne lui avoir pas dit de tout arrêter, au moins ; je suis même certain de m'être dit "voilà un écrivain"). Bref : l'auteur en question est devenu un copain - il se reconnaîtra sans peine en sale petit cafard alsacien qu'il est.
Les autres histoires paraissent grosso modo fabuleuses. Leurs pitchs, au moins. Ce qui leur a donné naissance. Très peu de space opéra, beaucoup de trucs bizarres, simplement saisissants, des claques, des saignées, des trouées de lumière.
Une remarque de Serge, en passant, m'a frappé. Il m'a parlé de mon texte, et de celui d'un ami. Il m'a dit "avec toi et X (et je suis certain que X, lui aussi, se reconnaîtra sans le moindre mal), j'ai eu le sentiment de m'être fait un peu avoir". Comprendre : "toi et X, vous désiriez tellement figurer au sommaire de cette anthologie que vous m'avez écrit des textes pas spécialement géniaux mais presque impossible à refuser, conceptuellement parlant." Ouais, X et moi, nous savons faire ça : des trucs que nous sommes les seuls à pouvoir écrire. Des trucs qui font dire à l'anthologiste, non pas "oh mon dieu quelle merveille" mais "mm - ce serait dommage de se priver d'une connerie pareille."
Non, ce ne sont certainement pas nos meilleurs textes (là, je ne peux parler que pour moi - X confirmera peut-être) mais, très étrangement, nous voulions être de cette antho de SF, nous qui au fond n'en écrivons plus depuis des siècles et n'en avons probablement jamais écrit - nous voulions en être, en écrivant nos textes trois jours avant la deadline comme il se doit, parce que, précisément, nous suspections l'anthologiste d'avoir donné un sens nouveau au mot science-fiction - ce qui était exactement ce que nous pouvions attendre de lui. Et nous pouvons être fiers : non pas d'avoir été retenus, en méchants truqueurs / séducteurs que nous sommes (à un moment, Serge pensait que j'étais X et inversement ; passé le frisson initial, cette confusion m'a empli d'une joie puérile), mais d'être montés dans le train, en si folle et belle compagnie.
Je peux me tromper, et je ne me base encore une fois que sur ce que Serge m'en a raconté, mais je soupçonne que les perles véritables d'Escales 2010 n'émaneront pas forcément des auteurs attendus : il y aura au sommaire suffisamment de têtes brûlées et de chiens fous pour combler vos appétits de weirdness, de sauvagerie et de littérature.