Hier, j'ai fait du vélo. Beaucoup. Il y a neuf millions de bicylettes à Pékin, chantait Katie Melua (la référence qui pose son homme). En fait, il y en a peut-être moins, maintenant, car les gens achètent tous des grosses voitures - qu'ils conduisent spectaculairement mal - mais quand même : le vélo reste une valeur sûr, avec des pistes cyclables aussi larges que les Champs Elysées (mais vraiment) où on peut faire des trucs aussi cons que prendre des photos en pédalant - oui, j'ai essayé. Sur ces pistes : des vélos, et des vélos à moteur. Les gens qui font du vélo à moteur vont plus vite, évidemment, et s'expriment principalement en klaxonnant. J'ai reperé le klaxon "attention", le klaxon "dégage" et le klaxon "hey, cool, j'adore klaxonner" mais certaines subtilités de la langue m'échappent probablement encore.
Après déjeuner, on a été à Jingshan Park, un parc tout en hauteur duquel on domine la ville et notamment la Cité Interdite, perdue dans les brumes. C'est très beau, et il y a des gens qui chantent tout le temps aux alentours, très fort, des chorales improvisées à vingt ou trente, de vieux hymnes de la Révolution Culturelle entre autres, comme quoi la nostalgie, tout ça. Ensuite, donc, vélo, autour de la Cité, gigantesque, et jusqu'à la Place Tienanmen (dont les jeunes Chinois ne mesurent absolument pas l'importance - en fait, je ne sais même pas de quoi je parle). J'ai appris plein de trucs : que le Pékinois de base est parfois assez flemmard (Edith Cresson n'avait sans doute jamais mis les pieds ici, les gens ne bossent pas beaucoup, il y a des tas de serveurs désoeuvrés dans les restaurants, plein de gens qui jouent aux cartes dehors) et joyeusement décomplexé, se ballade à l'occasion en pyjama, improvise des danses dans les rues, ne possède que des petits chiens, ne vole rien parce qu'il y a des caméras partout, est in love avec son téléphone portable, etc. Il y a aussi : des gens qui dorment dans leur atelier de 4m², des DVD de tout à 10 yuans, des contrefaçons généralisées, un amour non démenti pour Mao (dont le portrait géant domine Tienanmen) et une propension masculine généralisée à se racler bruyamment la gorge.
Reprise du périple à pied. Les Hutongs - ces ruelles typiques, qui font ressembler la ville, sitôt quittées ses artères immenses, à un petit village - tendent dit-on à disparaître. Il y a encore de quoi faire, cependant. Les gens se promènent après dîner (à 18h30, donc), arpentent sans lumière les ruelles nuiteuses, tranquilles dans l'air tiède. Ici, on mange pour 20 yuans, et fort bien. Ailleurs, les rues commerçantes ressemblent à Time Square, et les boutiques changent plus vite qu'à New York. Le soir : le meilleur canard laqué de la ville, découpé devant nous, servi avec des asperges épicées, des cacahouètes à dieu-sait-quoi, des galettes de riz, etc. ce pendant que des rescapés du Cirque de Pékin font tourner des assiettes au son d'une techno hystérique made-in-local qui empêche de parler. Je pense que les nems et le riz cantonais n'existent pas, ici : quelle abominable déception. Pour les photos, merci d'attendre que je me sois remis du jet-lag - dans huit ans, donc.