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(please follow) the golden path

Llittérature, films, séries, musique, etc.

les choses qu'on brûle le plus de dire

Publié le 17 Décembre 2014 par F/.

les choses qu'on brûle le plus de dire

D'abord, lire cette fascinante interview. Kate Braverman s'y dévoile telle qu'en elle-même : fine, folle et féroce, juste ce qu'il faut, c'est-à-dire trop pour ce monde. (Conseils aux aspirants écrivains ? "I would ask the unpublished why they think they must publish. This planet needs far fewer utterly mediocre writers and many, many more real readers." C'est dit. Kate est l'un de ces génies aux ailes en flammes pour lesquels on ne cesse de trembler (on se souvient du sort de Kathy Acker) : sûrement, on ne devrait pas. Voilà une femme qui sait d'où elle vient, qui pratique la littérature comme d'autres s'adonnent au meurtre, avec une tendresse et un sérieux irrévocables. Sur sa mère, le sujet sacré et maudit de ses histoires largement autobiographiques : "The more dysfunctional I was, the stronger she felt, the more secure and happy. When I got sober, I saw her make a cost benefit analysis of what it would cost to get me on track. Like half a million, psychiatry, plastic surgery, dentists, clothes, and she told me it was better to stay on drugs."). Prier, alors. Prier et œuvrer pour que le recueil de nouvelles de cette walkyrie formidable, traduit au plus juste par Morgan Saysana, ne soit pas son dernier livre publié en France. Bleu éperdument, c'est le titre de ce bijou, et c'est ainsi qu'on ne peut que l'aimer - sans retenue, en aveugle.

"Almost all books are now are published by editors who come from the sales department and literary quality is the last thing they seek, in fact, it's a negative." Une chose est sûre : Quidam n'a jamais fait partie de ces éditeurs guidés par la trouille. Contre vents et marées, c'est une maison qui se bat, qui creuse, qui fouille et qui offre. Lithium pour Médée, le premier roman largement autobiographique de Kate Braverman, avait été exhumé par ladite en 2006. Il a récemment fêté ses 25 ans, et je me souviens avec bonheur de l'émotion que j'ai pu ressentir, à l'époque en tournant ces pages pleines de douleur et de vie brûlante. Publié aux États-Unis en 1990, Squandering the blue (ici, la première nouvelle en anglais), de "squander", prodiguer, répandre - creuse le même sillon : des histoires épouvantablement belles, la plume d'une poète toujours droite, trempée dans l'acide du ciel californien. Kate Braverman ment tout le temps, c'est-à-dire jamais. Le don de l'auteur au lecteur, le don du temps, de la grâce, de l'intensité mise en chaque mot, chaque phrase polie telle un diamant crasseux, livrée avec les autres "avec splendeur et abjection", il est là, vibrant, il ne vous fera pas défaut. Non plus que les saynètes crépusculaires, "cette heure où la bouche meurtrit et souille la nuit" et la vie qui s'y déploie, sale, hantée par la mort sous le ciel de L.A. impavide, évoquant par endroits une Joan Didion sous influence, ailleurs un Bret Easton Ellis habité enfin, et plus seulement par le vide. "Elle arrêta sa voiture à un feu rouge. En ce début d'après-midi sur fond d'été indien, en sa trente-huitième année, elle réalisa que tout avait une justification. Sur un balcon, quelqu'un compte des camélias rouges dans leur pot en terre cuite. Quelqu'un sourit à l'objectif. Quelqu'un saute. Et voilà." Voilà, en effet : l'écriture de Kate Braverman est un majeur dressé aux ateliers de creative writing et aux responsables des ventes pour qui un livre n'est qu'un objet et pas une promesse en flammes. Sortie le 7 janvier. Soyez là.

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D
Dieu que ça donne envie !<br /> Merci
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