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(please follow) the golden path

Llittérature, films, séries, musique, etc.

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Publié le 3 Juin 2015 par F/.

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Dans quel film soi-disant d'horreur peut-on entendre des extraits de La Chanson d'amour de J. Alfred Prufrock de T.S. Eliot et de L'Idiot de Dostoïveski sur l'inéluctabilité de la mort ? J'avais déjà dit tout le bien, me semble-t-il, que je pensais de The Myth of the american sleepover de David Robert Mitchell, teen-movie d'une poésie et d'une beauté hors-normes, témoignant du véritable amour du réalisateur pour son sujet. Teenage angst, trouble des désirs et des corps, splendeur qui s'ignore : It Follows (que ne fait jamais vraiment peur mais intrigue sans cesse), qui forme de cette rêverie le pendant surnaturel, est une petite bombe existentielle à $2M et si horreur il y a, elle ne réside que dans cet insatiable questionnement : qu'est-ce qui nous suit ? L'intelligence du film, qui présente un monde en apesanteur, sans adultes, qui multiplie les contre-champs stressants et les plans fixes, c'est bien entendu de ne jamais répondre. Qu'est-ce qui nous suit ? Le "it" de la seconde tropique freudienne, soit la partie chaotique, a-temporelle de notre esprit, celle qui ignore le refus, autrement dit : allez savoir (l'expression américaine "go figure" serait bien sûr mille fois plus appropriée). Il est amusant de constater à quel point la critique yankee, jouant le jeu, s'est engouffrée dans cet espace sans limites, détectant à travers l'appareil symboliste déployé tout le long du film des allusions au SIDA et/ou à la révolution sexuelle - un certain dévoiement coupable fustigé dans 9 slasher movies sur 10. Car pour D.R. Mitchell, il ne s'agissait de rien d'autre, en définitive, que d'un rêve récurrent dans lequel quelqu'un, qu'il ne reconnaissait pas, le suivait. Le virus du SIDA est loin de se transmettre automatiquement. La peur, si. Le doute aussi. L'Amérique, qui n'a de cesse au cinéma d'interroger la cruauté insigne de ses adolescents et la vacuité hagarde de leur regard, a trouvé en la personne de Mitchell un chercheur bien plus subtil et efficace que la plupart de ses prédécesseurs. Ses ados, il les aime, il les caresse de sa caméra - il les suit, surtout, il les suit partout. A part la mort (voir mon récent post sur Kurt Cobain), il n'existe aucune façon connue d'échapper à la caméra que nous sommes. C'est pourquoi, à un moment, nous renonçons à fuir.

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N
film admirable à bien des égards... toutes les influences (elles sont nombreuses) sont parfaitement digérées (une des ados vient clairement de scoubidou, fallait oser) et la mise en scène est toujours brillante sans se donner en spectacle, ni esbroufe ni gratuité ... et effectivement it follows, longtemps, le spectateur
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L
Oui ! Excellent film ! Très travaillé au niveau du cadre et de la mise en scène jusqu'à sa musique ( kiffante) des années 80 ( John Carpenter, si tu nous lis...). Ça donne en tout cas envie de voir son premier film...<br /> <br /> J'aime bien votre manière de relativiser les interprétations. Une œuvre polysémique est toujours sujette à polémique. En ce qui me concerne, j'ai un peu tiqué sur cette fin en forme de mariage ( la jeune fille en blanc, le garçon bien habillé). Mais à mieux y réfléchir, cette fin est peut-être une ode à l'amour véritable. Ou du moins, chevaleresque. Retour de bâton traditionaliste ? Ou juste sincérité haut le cœur ? Je ne sais pas. Je pencherais pour la seconde.
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