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(please follow) the golden path

Llittérature, films, séries, musique, etc.

big fan (2)

Publié le 26 Mai 2009 par F/.

http://www.londondailypicture.com/images/october_2007/english-breakfast-blackpudding.jpg 

Je rencontre Karen en décembre 1999 au Tesco de Cowley Road - une horreur parallélépipédique en brique rouge où je tue le temps en triant des paquets de chips au vinaigre. Elle est grosse, énorme même, son visage rieur est criblé de taches de rousseur et sa chevelure roussâtre évoque une usine de matériel pyrotechnique en attente d'incendie.

« Je m'appelle Karen, dit-elle. On va travailler ensemble. »

Je repose mon étiqueteur. Salut, fais-je. Bienvenue en enfer.

Elle a noué le tablier réglementaire autour de sa taille. « C'est si terrible que ça ? »

C'est pire, dis-je. Mais avant que nous poursuivions cette intéressante conversation, Karen, je voudrais te poser une question.

Elle m'écoute.

Quel genre de musique écoutes-tu ?

Elle ébouriffe sa chevelure avec un hennissement. « T'es un marrant, dit-elle. On dirait que tout va dépendre de ça. »

Exact.

Eh bien, mon groupe préféré, c'est Radiohead.

Un flash de surprise empourpre mon visage. La Terre vacille sur son axe avant de se ressaisir. Je tends une main à Karen. Soyons amis, dis-je. Alliés, associés, partenaires.

Elle acquiesce gravement.

Je pourrais décrire de long en large cette journée légendaire, chanter les délices du travail dans les stocks, le crissement comblé des emballages plastique ou la danse ferrailleuse des haricots en boîtes.

Je pourrais dire les sourires, les bourrades, les pincements au cœur, je pourrais décrire l'alignement parfait des fromages en tube ou la course essoufflée de l'aiguille des minutes sur l'horloge du vestiaire. Mais projetons-nous plutôt trois semaines en avant : en cette veille de Noël 1999, dans ma chambre sous la mansarde où, sous le doux crépitement d'une averse nocturne et le regard alcoolisé d'un Homère Simpson en mousse gagné deux mois plus tôt lors d'une mémorable fiesta locale, nous célébrons la naissance du Christ en position 69.

« Eh bien, Bill Madlock, tu es plutôt du genre rapide. » Je lui tends la boîte de mouchoirs et elle attrape mon poignet au passage, me fixant de ses grands yeux couleur Wimbledon. « Dis-moi. Dis-moi que ce n'était pas la première fois. »

La première fois que quoi ?

Elle se renverse sur mon lit, ses seins énormes rebondissant joyeusement, et croise ses mains sur son ventre rebondi : « Oh Seigneur. Tu es puceau ? »

Elle rit, m'attire à elle, étouffe mes protestations sous des baisers de vache folle. « Merci, murmure-t-elle. Merci de m'avoir fait ce cadeau. »  

Le lendemain matin, nous descendons pour le breakfast. Ma mère se tient droite, en robe de chambre, les mains crispées sur son bol de café.

Karen la salue d'un hochement de tête. « Mes hommages, madame Madlock. » Regard effaré de l'intéressée.

Naturelle, ignorante, Karen pose une poêle sur le gaz, prend quatre œufs dans le frigo, et une assiette de lard. Puis elle ouvre le placard et sort un troisième bol, tout en sifflotant les premières mesures d'une version militaire d'Airbag.

Ma mère me fusille du regard : je me sers une double rasade de café noir et plonge le nez dans mon bol sans demander mon reste. Une minute plus tard, les œufs crépitent. Mon Dieu, me dis-je : l'avenir est en marche.

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M
superbe.
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W
J'ai faim.
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Z
Dis-moi que c'est le début du roman. Please ! Let it be so !
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P
Il faudrait interdire cette littérature de dégénérés. La littérature doit décrire le beau et l'incorruptible, pas cette souillure déviante dans laquelle tu te complais, toi et tes semblables. Tu brûleras.
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C
Ca manque un peu de brown sauce, sinon c'est parfait. :D
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