Vu hier soir, Un prophète est bien le chef-d'oeuvre annoncé. Dans la rue derrière nous, un type interroge son copain : "Euh mais sérieux, y aurait pas un truc un peu religieux là-dedans ?
Je veux dire, c'est chelou quand même." Religieux ? Allons donc. A part le titre, les visions, la trinité Père / Fils / Saint-Esprit, la dernière mission proposée le jour de la naissance du Christ,
Malik qui choisit de s'asseoir, finalement, à gauche de César, les 40 jours et 40 nuits passées au trou, l'Esprit Saint qui prend feu et une dizaine d'autres détails, je ne vois vraiment pas ce qui
permet d'affirmer un truc pareil. Loin de se résumer à une charge brutale contre l'univers carcéral, je dirais même : en dépit de cette charge, le film d'Audiard déploie lentement sa puissance
métaphysique pour embrasser la condition de l'Homme - veule, chanceux, traître, habité, fragile, changeant et absurdement volontaire. Sans même parler de la maîtrise cinématographique, j'admets que
je suis incapable de résister à ce genre de démonstration. Et pourquoi le ferais-je ? La vie est courte, la grâce est rare. Evidemment, et ce n'est pas le moindre de ses mérites, Le
Prophète donne assez peu envie de se précipiter vers le dernier Christophe Honoré, par exemple - de même que la lecture de Crime et Châtiment incite rarement à embrayer sur Muriel
Barbéry mais après tout, il est normal que la différence entre vouloir faire un film et devoir en faire un se paie et se retrouve quelque part.
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