Ça fait drôle, de réécrire tout ça. En 1998, je mettais des adjectifs partout. Plus j'en mettrais, pensais-je, et plus la forêt serait touffue, et plus les filles seraient belles. C'était notre histoire, c'était l'histoire des débuts de Mnémos, je crois, il y avait quatre personnages, quatre miséreux-magnifiques, quatre romantiques incurables au cœur de Paris, et la pluie tombait sur les toits de zinc, et les toiles d'Orsay vivaient leur vie paisible - Londres palpitant au loin, tel un fantasme. Je me suis figuré, en retravaillant ce texte, que le recomposer entièrement, que le rendre strictement intelligible, était en un sens impossible : autant écrire un autre livre. Arcadia, avec ses défauts et les qualités de ses défauts, est peut-être plus un poème qu'un roman. C'est d'abord le reflet d'une époque où tout paraissait possible. Tout paraît toujours possible, aujourd'hui, mais d'une façon bien différente. Le regard s'est acéré. Les mots superflus se sont éparpillés dans la neige. Restent l'élan, la magie, le glamour - restent les fées et les peintres lourds de douleur, le fantasme d'une vie passée alangui à attendre la fin des temps, un flacon de laudanum prêt à tomber au bout de la courbe pâle d'un poignet.