Voici l'un des films les plus dérangeants de ces dernières années (on passera rapidement sur l'abominable A serbian film qui, pour le coup, passe toute mesure) : tourné avec $ 25 000 et basé sur des événements "réels" (notamment, ai-je cru comprendre, le double meurtre perpétré par Ward Weaver III), Megan is missing raconte l'histoire de deux jeunes ados de L.A. qui chattent sur internet, entre elles et avec d'autres personnes. L'une, Megan, est délurée et déjà sexuellement active. L'autre, Amy, est plutôt du genre oie blanche. Etrangement - et pas tant que ça, en vérité -, Amy et Megan sont amies. Elles ont des rêves, des envies, des problèmes. A quelques jours d'intervalle, et après avoir été en contact avec un certain Josh, elles vont toutes deux disparaître.
Un disclaimer rapide s'impose s'il vous vient l'envie de tenter l'expérience : Megan is missing peut choquer. Je veux dire, réellement. Ma femme est partie dix minutes avant la fin, et, à en juger par certaines discussions de forums, elle n'est vraiment pas la seule.
Les 22 dernières minutes du film, qui montrent ce qui s'est "réellement" passé, hantent pour longtemps. Certes, on pourra gloser à loisir sur la platitude de la mise en scène, sur la nature même du procédé (largement galvaudé depuis Blair Witch, et pas toujours pour le meilleur), sur le réalisme de certains enchaînements (pourquoi Amy ne prévient-elle pas les flics plus tôt - pourquoi, dès lors, ne surveillent-ils ses communications ?). Mais de mon point de vue, Megan is missing travaille de façon intéressante l'éternelle et essentielle question du Mal, et c'est sans doute en cela qu'il dérange le plus. Aux Etats-Unis, les spectateurs semblent, dans leur majorité, y voir un plaidoyer pour une surveillance accrue des enfants - c'est aussi l'angle choisi par le réalisateur pour justifier son film : "The more crime scene photos and surveillance videos I saw, the more the point was driven home that it is alarmingly easy to take a child. And it shouldn't be." Certes, pourquoi pas. Quelque chose, cependant, échappe au projet initial et résiste à cette simple grille de traitement. J'appellerai cela, faute de mieux, la supplication finale : un monologue de trois minutes à vous glacer le sang, qui interroge de poignante façon la nature capitaliste du mal et nous livre in fine un constat accablant : arrivé à un certain point de lassitude, d'errance et d'indifférence, tout ceci (le fric, le sexe, la valeur) n'a plus vraiment de sens.