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(please follow) the golden path

Llittérature, films, séries, musique, etc.

le chagrin sans pitié

Publié le 29 Juillet 2011 par F/.

J'ai rencontré le diable : Kim Jee Woon serait un peu, et toutes proportions gardées, un Shakespeare malade du 21e siècle, mâchoires serrées & rictus aux lèvres. Drame absolu, violence inouie, et toujours un brin d'humour - ce film, il faut bien l'avouer, m'a cloué à mon fauteuil. Idée de promo (ou peut-être pas) : une vidéo amateur me suivant ensuite dans le bobo-store du MK2 Bibliothèque, errant, hébété, et ne cessant de murmurer "putain, putain." Voilà ce qui arrive quand on va voir un film tout seul et qu'on décide de se laisser maltraiter. La qualité exceptionnelle de la photographie et de la mise en scène, la band-son graduellement réduite à une série de martellements sourds forment, hélas, un écrin parfait à cette tragédie. L'histoire est connue : un agent secret dont la fiancée a été sauvagement assassinée décide de se faire justice lui-même. Ayant retrouvé le meurtrier, il le force à avaler un émetteur qui lui permet désormais de le suivre à la trace et de le torturer à loisir. Qui est le plus cinglé des deux ? Si c'était une question, il n'y aurait pas de réponse. Le tueur, superbement incarné par Choi Min-sik (l'inoubliable Old Boy), est une machine hors de contrôle, insensible à la douleur et à la peur, pour lequel aucune rédemption n'est possible. Qu'on se représente la chose : la fiancée de Soo-hyun, enceinte, suppliante, a été violée, méthodiquement massacrée, découpée en morceaux. Que feriez-vous si vous saviez vous battre ? Le vengeur frappe en aveugle qu'il est devenu, sans passion, mécaniquement. Le diable du titre, c'est son âme à lui, morte, vidée de toute substance. Il espérait trouver, en la noirceur de son double, un contrepoint à sa douleur ; il ne découvre en vérité que du vide. J'ai rencontré le diable est un film sans concession, presque sans pathos, une danse vaporeuse habitée par l'idée de l'irrémédiable perte : des repères, de l'humanité, de l'espoir. Dans une Corée visiblement livrée à une violence sans retour, où la plupart des meurtriers et des flics - scènes très étranges, d'ailleurs - ne peuvent s'empêcher de sourire ou de ricaner (comme, d'ailleurs, un certain nombre de spectateurs - manière pathétique de tenir l'horreur à distance) dans les situations les plus incongrues, deux trajectoires s'entrelacent, irrémédiables et perdues. La froide violence de Soo-hyun est sans objet, elle se suffit à elle-même. La dernière minute, où on le voit tituber, foudroyé par la douleur qu'il consent enfin à accueillir en lui, lave si besoin était le film de tout soupçon de complaisance. Kim Jee-Woon montre simplement les choses telles qu'elles sont parfois : sans lumière. Un public averti en vaut deux.

 

http://data-allocine.blogomaniac.fr/mdata/4/2/1/Z20080309092053843918124/img/1310045394_i_saw_the_devil.png

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P
<br /> mon mari l'avait vu, et adoré, je lui ai envoyé votre critique. du coup, on l'a regardé ensemble, et je n'ai rien a ajouté à ce que vous en dites ! la violence et la beauté du cinéma coréen ne<br /> cessent de me surprendre.<br /> <br /> <br />
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