Vu Hugo Cabret en famille hier : un sacré morceau, ai-je trouvé, et l'un de plus beaux films qu'il m'ait été de voir ces derniers années (si l'on veut bien s'attarder un instant sur la notion de "beau" film), alliant virtuosité technique, rêverie sur la dichotomie humain/mécanique et mise en abyme permanente du médium. Nous voici en effet en présence d'une oeuvre qui explique que le cinéma n'est pas mort en le disant et en le montrant. Le roman de Selznick, déjà assez magistral mais qui semblait paradoxalement composé pour les salles obscures, ne pouvait rêver plus suave et pertinente mise en images, jusqu'à la pirouette finale renvoyant l'histoire elle-même au pays de l'écrit. On parle, on voit, on rêve cinéma en permanence dans Hugo Cabret, mais les livres ne sont pas oubliés, ils sont ceux qui plantent la graine du rêve et Scorsese, d'une certaine façon, admet que son art, né presque par accident (on s'est rendu compte qu'on pouvait raconter des histoires avec des successions d'images - ce n'était pas l'idée initiale) leur doit l'essentiel. Le scénario, c'est un roman dont on aurait remplacé les adjectifs par des images et les adverbes par des plans. Reste la question du verbe. Le héros du film ? Un automate qui, pense-t-on, a quelque chose à écrire, mais en réalité dessine : une machine de précision qui "paraît triste" et dont les rouages ne se mettent en branle qu'une fois la clé en forme de coeur introduite dans sa serrure, double incontestable du vieux héraut fatigué - voilà pour la richesse conceptuelle du film, sans compter l'émotion, sans compter les clins d'oeil et les mains tendues, les allusions à la vie même du réalisateur et à notre condition de spectateur (les histoires ne se terminent bien que dans les films), sans compter cette gare-monde, enfin, toutes les gares en une en vérité, dans laquelle les trains du rêve arrivent toujours un peu trop vite, pour notre plus grand bonheur.
A noter : Hugo Cabret est le champion des nominations pour les Oscars cette année, et côtoie notamment un certain The Artist. Une incurable et très féconde nostalgie, voilà le mal sacré et nécessaire dont a toujours souffert Hollywood.
A part ça, je commence à amasser un peu de doc pour mon prochain thriller. Ce qui m'amène à rencontrer toutes sortes de gens sympathiques :