Le bout d’une cigarette entre en incandescence. Il y a une fille dans la voiture, ou un garçon, parfois un jeune étudiant de première année aux paupières frémissantes, prêt à goûter les aphorismes de son mentor, à respecter ses silences. Scott ne formule jamais de promesses : seulement des prédictions. L.A. est une ville où tout est tellement possible que la plupart des gens la croient vide. De fait, rien n’y arrive qui n’ait déjà eu lieu ou qu’on ne puisse reproduire. Les rêves ne se brisent pas : ils disparaissent à l’approche du réel. Chaque soir, un soleil de fin du monde plonge sous la ligne d’horizon, laissant sur l’océan, telle une défroque, un vaste brouillard de sang et d’or. Au commencement, murmure Scott pour lui-même, au commencement régnait le Chaos. Puis parut Quaoar. Attristé par le vide de l’existence, le dieu des Tongva se mit à danser, à tourbillonner, à chanter le chant de la création. « Et c’est ce chant que je chante de nouveau », murmure Scott, exhalant une bouffée de fumée. « Rien, pas même Dieu, n’est plus grand pour chacun que lui-même. »