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(please follow) the golden path

Llittérature, films, séries, musique, etc.

all about her

Publié le 27 Janvier 2014 par F/.

 

Je me disais que je connaissais un peu cette ville : moitié Los Angeles, moitié Hong Kong, les deux endroits au monde où j'aimerais vivre, où je rêverais de vivre - où je vivrais de rêver. En vérité, Spike Jonze a glissé des vues de Shanghai dans sa métropole alanguie, je n'étais pas fou, et her, en cet écrin, palpite telle une sidérante histoire d'amour du 21e siècle avancé. Fraîchement divorcé, Theodore Twombly, concepteur ennuyé de lettres factices, tombe amoureux at first sound d'une OS qui n'est qu'une voix (celle de Scarlett Johansson). On le voit couché, au balcon, dans son salon, au bureau, ou déambulant dans une ville sans fin, parlant seul - comme tout le monde désormais -, souriant et courant pour personne en apparence, tourné vers elle, en fait, nichée dans son oreille - la voix rauque, sensuelle & doucement amicale, la déesse omnisciente mais si fragile et potentiellement éphémère. On peut créer un monde de SF plus convaincant, plus intense que celui de n'importe quel blockbuster inepte avec dix fois moins d'argent. On peut écrire une histoire autour d'un homme, les images dans sa tête, les souvenirs, et la voix au milieu de rien, et le rien autour qui s'étend. On peut produire du vertige et de la mélancolie en laissant simplement respirer les choses. Tout fonctionne au ralenti à présent, la ville, le monde, la joie et la terreur d'être en vie n'ont plus leur place et si angoisse il y a, c'est l'inquiétude insidieuse du vide infini qui palpite entre les mots, entre les gens, les buildings - un vide sidéral et une beauté foudroyante, l'essence même de ce film quasi idéal. Les travellings paisibles empoisonnés à l'ennui, le visage apeuré de Theodore qui découvre l'amour, sa moustache tremblante, sa solitude complète et la musique, quelques notes - Arcade Fire, Karen O, gouttes de piano et griffures de guitare - tout compose une ode à la fin du monde et à l'exil abstrait.

 

 

Il y aurait tant à dire sur ce film troué d'échappées lumineuses (la mer, la nature, un ailleurs filtré, l'existence sans nous) qui nous montre en creux ce que nous sommes, tant à dire sur les voix qui nous illusionnent, et comment nous avons créé cet univers second et terrible qui n'a rien à nous offrir sinon l'écho de nos vides - mais les mots qui pourraient décrire notre futur n'existeront jamais, et c'est bien là le problème, et c'est en ce manque lancinant, cette poétique de l'impossible que réside la déraisonnable splendeur de her.

 

 

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M
Un si beau commentaire qui donne envie de courir voir ce film, de le mettre au creux de son cœur, tel la voix fantôme. Merci!
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