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(please follow) the golden path

Llittérature, films, séries, musique, etc.

il faut partir, maintenant

Publié le 3 Septembre 2015 par F/.

il faut partir, maintenant

On avait "Longtemps, je me suis couché de bonne heure" ; désormais, c'est "Mon père et ma mère se sont rencontrés à Châteauroux." En vérité, la phrase est plus longue que ça mais on peut considérer - certains chroniqueurs l'ont certifié - que tout est déjà dit. Oui, j'ai lu le dernier Christine Angot, un peu sidéré par le battage médiatique dont sa sortie a une fois de plus fait l'objet (parfois, il est préférable de ne pas s'habituer) et, il faut bien l'avouer, par les réactions des certaines connaissances dont, par ailleurs les goûts littéraires commandaient a minima mon attention. A chaque parution d'un nouvel Angot, le malheureux lecteur est tiraillé entre deux pôles : le Angot-bashing un rien complaisant (un vocabulaire riche de cinquante mots, une seule thématique : elle-même, une écriture aussi plate qu'un étang berrichon) et le Angot-praising, un invariant parallèle de la rentrée nous présentant l'écrivain comme, au bas mot, le plus important des deux décennies écoulées, et son nouveau roman comme un chef-d’œuvre tétanisant de beauté et de grandeur.

L'histoire, vous la trouverez ailleurs - elle est pleine de suspens, paraît-il, je m'en voudrais de gâcher quelque brûlante révélation. Simplement, je serais curieux de savoir comment l'éditeur d'Angot aurait réagi si le roman avait été signé d'une autre main que la sienne. Bien, sans doute. Après tout, l'histoire est simple (ici : "la maman de Christine n'a pas eu une vie facile"), le style est simple ("Ils ont commencé à se voir. Ils allaient au cinéma, au restaurant, à des soirées dansantes, le week-end ils sortaient, il louait une voiture, et ils partaient") et la simplicité en littérature, ça peut avoir du bon. Voilà qui nous ramène à l'éternel questionnement franco-français dont la rentrée littéraire est devenue l'intéressant symptôme : qui peut juger un livre, et sur quels critères ? Doit-on juger les jugeurs ? Il n'empêche : les journalistes, si le roman était signé Martine Chambier et publié chez un éditeur plus confidentiel que Flammarion, continueraient-ils à se rouler par terre en poussant des cris d'extase énamourée comme si les portes d'une vérité jadis inaccessible s'étaient soudain ouvertes devant eux ? ("Tous les amours font souffrir, nous apprend par exemple Télérama. Tous les amours sont impossibles..." ; chez Elle, on frôle carrément la pâmoison : "Ce qui est extraordinaire dans l’écriture d’Angot, c’est la manière qu’elle a de faire ressentir à son lecteur ce qu’elle décrit. C’est pour cela que ses romans sont si éprouvants.) Je ne possède pas la réponse à cette question. Je le dis en toute sincérité : je suis peut-être passé dès le début à côté de Christine Angot (la chose étrange - et un peu inquiétante, tout de même - est que j'en éprouve un vif soulagement). A vrai dire, son roman ne m'a jamais paru mauvais, au sens où il ne m'a jamais paru en mesure de susciter un tel débat. Si ma cousine de 27 ans, à supposer que j'en ai une, m'avait transmis un texte de ce genre en pièce jointe, je lui aurais dit "c'est bien, envoie-le à un éditeur, il te donnera sans doute de meilleurs conseils que moi", et puis j'aurais essayé de faire plus attention à elle - et c'est tout.

A aucun moment je ne me suis senti concerné par Un amour impossible, à aucun moment ce qu'on me racontait ne m'a ému, touché, ce sont là des choses qui se décrètent pas - quant à l'écriture, à ce vide qui se voudrait dépouillement et vérité, la question de son efficience (= la distance séparant l'intention du résultat) reste un complet mystère pour moi. Une écriture sèche, basée sur la répétition, la concision, le ressassement, ça existe, ça peut fonctionner, témoin, par exemple, cet extrait de L'Innommable de Beckett : "Ce sera moi, il faut continuer, je ne peux pas continuer, je vais donc continuer, il faut dire des mots, tant qu'il y en a, il faut les dire, jusqu'à ce qu'ils me trouvent, jusqu'à ce qu'ils me disent, étrange peine, étrange faute, il faut continuer, c'est peut-être déjà fait, ils m'ont peut-être déjà dit, ils m'ont peut-être porté jusqu'au seuil de mon histoire, devant la porte qui s'ouvre sur mon histoire, ça m'étonnerait, si elle s'ouvre, ça va être moi, ça va être le silence, là où je suis, je ne sais pas, je ne le saurai jamais, dans le silence on ne sait pas, il faut continuer, je ne peux pas continuer, je vais continuer." Mais autant être bien clair : la distance qui sépare Angot de Beckett ne se mesure pas ; elle s'éprouve, elle se vit dans la chair de la lecture. Un amour impossible, en ce qui me concerne, porte parfaitement son nom. C'est un roman qui me fait penser à une boîte de nuit de campagne. A un certain moment, et parce qu'il n'est jamais agréable de rester à la porte d'une fête et de passer pour un pisse-vinaigre, on en tenté de se dire "pourquoi pas." Mais il se trouve que le physio n'aime pas du tout votre gueule et que votre nom figure sur une liste noire. Inutile d'insister ou de revenir dans dix ans : vous ne rentrerez jamais.

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M
C'est bien raconté, et pondéré , tres proche de ce que j'ai pu ressentir à la lecture de cet opus dont j'ai trouvé la narration d'une vacuité assez sidérante ...
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F
N'avais pas envie de le lire mais me disais, il le faut, il parait que c'est LE livre de cette rentrée, voilà voilà je ne le lirai pas ;-) merci merci m'en vais me plonger dans un roman moins médiatisé mais follement délicieux !
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F
Framboise, lisez-le si vous aviez envie d'essayer, je ne suis pas en train de faire du prosélytisme et je serais désolé qu'un livre perde un lecteur à cause de moi - je ne fais que donner mon avis, Angot et moi c'est une rencontre qui ne se produira jamais, voilà tout. Amitiés !