Terminé Broadchurch - mini-série policière en huit épisodes made in UK avec David Tennant, l'homme qui fait roucouler une certaine catégorie de meufs, dans le rôle principal. Eh bien, les enfants, on peut toujours se féliciter du récent bond qualitatif effectué par la fiction française : on est encore bien, bien à la traîne, et ce n'est pas vraiment une question de moyens, hélas - plutôt de direction d'acteurs et de direction tout court, à mon avis. Très belle série, donc, malgré un recours un peu systématique aux effets de manche, filtres, ralentis et autres vues sur la mer, petit bijou néo-gothique en réalité très simple qui mise tout sur l'ambiance. C'est la foire aux spoilers, en ce moment (il y a quelques jours, un type s'est pointé sur un forum consacré à Dexter et s'est mis à raconter la fin de Breaking Bad à un copain qui s'apprêtait à s'envoyer les cinq saisons - hurlements garantis), je ne vais donc pas vous parler de l'histoire elle-même ni de sa conclusion, sinon pour risquer la remarque suivante (parce que ma femme, qui s’était accroché aux accoudoirs pendant toute la série, a fait un peu la moue au moment du générique) : on est presque toujours déçu par une fin. Pourquoi ? Parce que, contrairement aux protagonistes de Broadchurch, par exemple, nous ne souhaitons pas que ce truc horrible se termine. Nous ne voulons pas savoir qui a tué Danny Latimer : pire, nous voulons ne pas le savoir. Nous voulons qu’on nous mente, qu’on nous mène en bateau, qu’on nous fasse grincer des dents. Nous désirons des mauvaises nouvelles dans un cadre et un contexte choisis. La plupart des mécaniques narratives tiennent sur la surprise et l'attente. Une fois celles-ci désamorcées, l'histoire est terminée, et nous ne sommes pas très satisfaits, et nous avons envie d’appeler le patron, l’un des exemples les plus frappants restant l'étrange catastrophe Twin Peaks, où la question Qui a tué Laura Palmer ? reçoit sa réponse à mi-parcours – merci beaucoup, les mecs, et maintenant ? On attend quoi ? On pourrait citer à l’envi les fins "un peu" décevantes de toutes les séries qui donnent au spectateur ce qu'il attend, à savoir une réponse, fût-elle logique, ou parfaitement inévitable – de Breaking Bad (Walter va-t-il s'en sortir ?) à Friends (Ross et Rachel vont-ils finir ensemble ?), parce que nous préférons de loin les questions aux réponses. Il en va de même pour les romans : les gens adorent Les Apparences de Gillian Flynn, mais à la fin, ils tirent souvent la tronche. Et ils savent qu’ils ne devraient pas. J'ai moi-même trouvé la fin de Confiteor trop rapide (what ?) et celle d'Esprit d'hiver un peu trop facile. Les histoires nous ramènent à la vie : le plus sympa, c'est le milieu et, en principe, on n'a pas envie que ça se termine. Alors on blâme le scénariste, ou on se tourne vers le ciel. « C’est tout, mon grand ? » Peut-être qu’il n'existe que trois façons satisfaisantes (au moins a posteriori, passé l'accès de rage inaugural) de boucler une histoire : en ne la terminant pas (Les Soprano), en ne satisfaisant pas les attentes initiales (Lost) ou en épuisant les potentialités narratives de façon si éhontée que le spectateur, en larmes, finit par demander grâce (Six Feet Under). Mais vous aurez sans doute plein d’autres exemples – ou de contre-exemples – à me donner.