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(please follow) the golden path

Llittérature, films, séries, musique, etc.

le massacre joyeux de la raison

Publié le 27 Février 2014 par F/.

 

Tapez "Wes Anderson + symétrie" sur Google et vous commencerez à prendre la mesure de l'obsession du Texan pour les plans parfaits ("quand on a tout préparé, explique-t-il en interview avec le sens de l'understatement qui est devenu sa marque de fabrique, on a la possibilité de sortir un petit peu de l'ordre établi"), monomanie assumée et poussée à son paroxysme dans le merveilleux Grand Hotel Budapest, qui organise avec une précision maniaque la rencontre entre Stefan Zweig des derniers jours et le cartoon à l'ancienne, la catastrophe inévitable et le burlesque le plus débridé. Dans une Europe fantasmée, presque filtrée (ainsi de la disparition d'une vieille bique au visage de cire craquelée, plus importante que la guerre qui menace), et commençant à trembler sous le pas martial de la Divison Zig-Zag, Anderson présente l'histoire d'une fille qui parcourt un livre écrit par un type qui a rencontré le propriétaire du (jadis) grandiose établissement, lequel lui narre ses anciennes aventures, ouf. C'est le principe inévitable du téléphone arabe, fiable contre toute attente (la scène où M. Gustave, joué par Ralph Fiennes, accable le bien-nommé Zero de ses diatribes racistes avant, réalisant qu'il est en définitive un "réfugié", de se confondre en excuses, est un moment comique immense), un univers de collusions et de dérapages sans fin orchestrés au millimètre, et qui réclame un cadre d'une parfaite rectitude pour exprimer toute son hystérie criarde. Le casting du siècle n'est qu'un savant théâtre de marionnettes (parfois littéral, comme dans la scène de la descente à ski, qui rappelle la magie de Fantastic Mr. Fox) pour le réalisateur, et ses acteurs, sans doute conscients, pour une fois, de n'être que cela, s'en donnent véritablement à cœur joie. La jubilation du spectateur, inévitable, est de celle qu'il pourrait éprouver devant un numéro du cirque de Pékin répété dix mille fois et tournant soudain à la catastrophe, si la catastrophe en question se révélait in fine faire partie du numéro. Le facteur chaos, c'est l'humain, qui d'autre ? - c'est le "motherfucker" du poète soudain hors de lui, les incessantes réparties grivoises de M. Gustave dont l'appétit sexuel sans limite se traduit par une hilarante logorrhée, c'est (par exemple) le vampirique Dimitri (joué par Adrien Brody), rendu fou de rage par la disparition d'une croûte sans intérêt et fracassant de dépit une toile d'Egon Schiele représentant un sexe de femme. Point focal à la cool, axis mundi de ce délire minutieux, Zero est bien évidemment joué par le seul acteur non-connu du casting, où la moindre femme de chambre est interprêtée par une actrice oscarisable : il est celui qui observe, agrémentant les délires de son mentor de "true" sentencieux, il est le réalisateur lui-même, à n'en pas douter, celui qui "réalise" que le monde ne peut pas être sérieux mais qu'il peut être tragique, et ne répond à cette fatalité que par un acquiescement vaguement ébahi, teinté autant de malice que de tristesse anticipatrice.

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T
=) !
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D
Alors à voir ? Ou pas ? ... :-S<br /> Bonne soirée
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