Oscar Isaac n'est pas seulement le taciturne Nathan d'Ex Machina, l'idéaliste Abel Morales de A most violent year ou l'enthousiaste Poe Damaron de Star Wars VII : il est surtout, et peut-être avant tout, le Nick Wasicsko de cette formidable série qu'est Show me a hero, réalisée par Paul Haggis et écrite par David Simon, l'un de plus talentueux scénaristes actuellement en activité - l'un des très rares, aussi, à se piquer de réalité sociale. Car comme The Wire, Show me a hero est une mini-série éminemment politique, presque radicale en son apparente douceur. Elle devrait être montrée à tous ceux qui estiment (à l'instar, croient-ils, de Michel Rocard), qu'"on ne peut pas accueillir toute la misère du monde"... et qui oublient systématiquement de citer la fin de la phrase.
Nick Wasicsko, bref maire de Yonkers, New York, a réellement existé. Il voulait faire de la politique pour changer des choses (rires enregistrés). Entre 1987 et 1994, il s'est battu pour que des logements sociaux soient bâtis conformément à la loi ; nombre de ses coreligionnaires, pour leur part, préféraient payer des amendes astronomiques plutôt que voir débarquer sur les terres de leurs électeurs wasp des familles entières de fumeurs de crack. Ils ne croyaient pas - ne voulaient surtout pas croire - à la possibilité d'une intégration. Ce qu'ils croyaient était ceci : que la misère a une couleur, que la délinquance est un virus - que lorsque l'on vit dans un quartier de merde, il faut y rester pour toujours et s'efforcer de crever en silence parce que tout le monde ferait ça, voyons, c'est bien connu.
La situation politico-sociale de Yonkers, bien loin des rutilants gratte-ciel de Manhattan, est rendue ici dans toute sa kaléidoscopique complexité. Simon s'intéresse aux petits comme aux grands, au trivial comme au grandiose, aux butors infatués comme aux middle-classes en proie au doute - aux élans de grandeur comme aux basses manœuvres politicardes. La bande-son est duelle : du rap d'un côté - la colère de la rue -, et de l'autre Springsteen, indépassable working-class-héraut, deux scansions qu'en vérité rien n'oppose. "In the day we sweat it out on the streets of a runaway American dream / at night we ride through the mansions of glory in suicide machines" chantait Bruce dès 1975. Mais Fear of a black planet, de Public Ennemy, c'est 1990, pile au milieu de notre histoire, et la donne est nouvelle, les Noirs ne s'excusent plus, ou bien juste pour rire ("Excuse us for the news / You might not be amused / But did you know white comes from Black / No need to be confused".) Le titre, enfin, annonce clairement le programme de ces six épisodes descendant en spirale vers leur inévitable conclusion - mais là aussi, il faut connaître la fin de la citation de Scott Fitzgerald, qui est un spoiler à elle seule (je laisse ceux qui ne la connaissent pas la découvrir.) Show me a hero : l'envers du décor, le combat minimal d'un petit mec paumé dans un costume trop large pour lui, l'Amérique sans pitié et sans fard - you might no be amused.