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(please follow) the golden path

Llittérature, films, séries, musique, etc.

sortir du bois

Publié le 24 Août 2016 par F/.

Le premier nom des Czars, groupe fondé à Denver en 1994 par l'imposant John Grant, était Titanic. Tout un programme. John, qui n’avait pas 30 ans, improvisait les paroles de ses premières chansons sur scène, ce qui rendait leur exécution quelque peu malaisée. Plus tard, il se décida à prendre l’entreprise un peu plus au sérieux.

Les titres de Before… but longer ont été écrits, dit-on, dans des parcs de Londres, sur des bancs solitaires au bord de la Tamise. Si vous en avez l’occasion, écoutez Get used to it, immense et magnifique chanson sur la dépression, couronnée en fin de parcours par les chœurs angélico-morriconiens de Paula Frazer (Tarnation) : if this is what you want, then get used to destruction / If this is what you need, then get used to depression / ’cause there’s nobody here gonna sit around, and listen to your opinion / If this is what you want, then get used to being alone.

Six albums des Czars sont sortis, sans jamais rencontrer d’autre succès que l’estime d’une poignée de coreligionnaires et de quelques fans énamourés. Il faut signaler que le groupe ne s’est pas réellement séparé : les membres sont simplement partis les uns après les autres, laissant John Grant seul et étourdi tandis que le paquebot finissait de sombrer.

En 2010, l’homme se lance sous son propre nom dans une carrière solo. L’album Queen of Denmark, réalisé avec le concours des onctueux Midlake, est un succès critique de premier ordre. Un journaliste de Mojo s’extasie notamment : « If Queen of Denmark were only comprised of... self-lacerating ballads, it would still be a work of transcendent beauty, but the second half of the album finds Grant confronting romantic loss with astonishing depth of feeling. » Comme à son habitude, John décrit sa descente en enfer (alcool, dépression) avec une sorte de bonhommie déchirante.

Pale Green Ghosts, l’album suivant, est enregistré en Islande avec des membres du groupe Gus-Gus, curiosité électro-pop toujours en activité aujourd’hui. Sinéad O’Connor, fan de la première heure, assure certains chœurs. Pale Green Ghosts, qui fait référence aux somptueux oliviers de Bohème bordant une route du Colorado proche de la ville natale du chanteur, est avant tout un disque de survie, de résilience. Un an plus tôt, alors qu’il s’apprêtait à prendre un avion pour la Suède, Grant reçoit un sms de l’un de ses boyfriends l’enjoignant, sur un ton funèbre, d’effectuer au plus vite un test VIH. Ce dernier se révèle positif. A la surprise générale, et sans la moindre préméditation, Grant raconte cette aventure sur scène à Londres en 2012, alors qu’il joue avec Hercules and love affair. C’est un géant fracassé équipé d’une révélation trop humaine et salvatrice. Un garçon qui sait désormais ce que rester debout veut dire.

Son troisième album, Grey Tickles, Black Pressure, est indéniablement l’un des grands disques de 2015. On y croise Tracey Thorn (Everything but the girl) et Amanda Palmer. On y découvre plusieurs chansons d’exception, parmi lesquelles : le titre éponyme, balade baroque et capiteuse dotée d’un pré-chorus tragi-comique (« And there are children who have cancer /And so all bets are off / Cause I can’t compete with that ») et Disappointing, ébouriffante love-song bear-friendly interprétée en duo avec la Tracey susmentionnée, et qui établit la liste des choses “décevantes”, quand on les compare à l’inimitable émoi du saisissement amoureux.

Francis Bacon, dolomites
Ballet dancers with or without tights
Central Park on an autumn day
Will always be stunning and never cliché

All these things they’re just disappointing
All these things they’re just disappointing compared to you
There’s nothing more beautiful than your smile as it conquers your face
There’s nothing more comforting than to know, know you exist in t
his time, in this place.

Aujourd’hui, John Grant semble suffisamment heureux pour continuer à composer et suffisamment malheureux pour continuer à nous lacérer le cœur avec le sourire. On ne voit pas ce qu’on pourrait lui demander d’autre.

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