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(please follow) the golden path

Llittérature, films, séries, musique, etc.

against the light

Publié le 5 Septembre 2008 par F/.

L'excellent  quotidien Le Monde a publié récemment une très éclairante critique du Contre-jour de Pynchon. Revue de texte :
Certains écrivains, comme naguère Beckett ou Cioran, choisissent de s'enfermer dans le silence [parenthèse culturelle de bon aloi ; un important travail de recherches semble avoir été effectué ; manque  toutefois l'allusion réglementaire à Salinger]. D'autres préfèrent disparaître de la circulation [on ne sait pas trop à quel moment Pynchon a choisi de disparaître de la circulation en question, mais des recherches sont en cours.] C'est le cas de l'énigmatique Thomas Pynchon [notez la remarquable pertinence de l'adjectif], l'homme invisible de la littérature américaine, qui livre ces jours-ci son roman le plus profus [= gros] et le plus échevelé [= compliqué], Contre-jour.

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Or, on ne sait rien de Thomas Pynchon [enfin, faut pas pousser, on sait quand même son nom ; et on sait qu'il est écrivain ; enfin, à première vue - voir plus bas], le pape du postmodernisme américain [définir "postmodernisme"]. Une ou deux vieilles photos, trois bouts de chandelle en guise de biographie : voilà tout ce dont on dispose sur ce fantôme d'écrivain [décidément, voilà qui est bien mystérieux]. Les clichés en question montrent un adolescent avec une houppe et des dents de lapin, quand notre  homme [on est copains, maintenant] - né en 1937 à Glen Cove (Long Island) - a désormais dépassé les 70 ans [noter l'implacable précision du calcul, sa rigueur presque poétique ; on progresse, considérablement]. On dit [la rumeur prétend, mais peut-on lui porter crédit ?] qu'il serait apparu dans un dessin animé des Simpson [même qu'il y aurait des preuves ; même qu'il apparaîtrait dans deux épisodes - mais je ne peux pas en parler ici, j'ai une famille, ma sécurité n'est pas assurée] et que CNN aurait tourné sur lui une vidéo pirate qu'il aurait aussitôt réussi à faire interdire. Ce ne serait pas étonnant [ben non, alors], car toute trace concernant Pynchon finit toujours par disparaître mystérieusement [eh ouais ; un alligator des égouts de New York, qui a notamment participé à l'assassinat de JFK, me le confirmait encore la semaine dernière]. L'administration chargée de conserver son dossier militaire a brûlé. Ses archives universitaires, à Cornell, se sont évaporées. Quant aux témoins qui l'auraient connu, ils ont perdu la mémoire [d'autres ont fini suicidés d'une balle dans la nuque] : Vladimir Nabokov l'aurait-il eu comme étudiant ? L'auteur de Lolita n'en conservait aucun souvenir [pauvre vieux Vlad ; sans doute trop occupé à regarder sous les jupes de ses étudiantes]. Evidemment, une telle évanescence [!] alimente les rumeurs les plus folles. Il suffit de se promener sur la Toile pour mesurer à quel point Pynchon nourrit les fantasmes.

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Pour les uns, il ne serait autre que Salinger, l'auteur de L'Attrape-coeurs [qui n'est lui-même que le prête-nom de William Shakespeare ; la parenté de style saute aux yeux]. Pour d'autres, il n'aurait jamais existé et c'est un collectif d'auteurs qui écrirait ses livres. [autre hypothèse : la réalité n'existe pas, le monde est une illusion, la vérité est ailleurs (peut-être dans mon cul, il faudrait que je vérifie) ; ou encore : Claro est un pseudonyme, Le Monde a cessé de paraître, Salinger est un alligator et je suis William Shakespeare, du moins jusqu'en 2012, après quoi je devrai regagner mon mobile-home en Shambhala parce qu'il me reste des traites à payer et que la vie est une marâtre cruelle]. En réalité [en quoi ?], il est probable [on n'est jamais sûr de rien] que Thomas Pynchon vive tranquillement à New York, anonyme parmi les anonymes [ah ! l'anonymat de New York ! ville fascinante à la verticalité qui déchire sa génitrice, où les succès se font et se défont  comme on enfile des perles aux cochons sous les néons blafards de l'éternelle cité fascinante et grandiose]. Quant aux commentateurs, ils sont bien obligés de se concentrer sur son oeuvre [oui, je sais :  passé une dizaine de pages, il arrive un moment où le critique dit littéraire est censé parler du livre qu'il est supposé avoir lu. C'est dur. C'est très dur] : sans doute est-ce là ce qu'il a toujours voulu... [définir "sans doute".] L'œuvre donc [Aaaah ! soupirs de satisfaction dans la salle ; faites péter le pop-corn]. Rare [forcément] et monumentale [= avec plein de pages bourrés de mots, eux-mêmes constitués d'une multitude dérangeante de caractères]. En près d'un demi-siècle d'écriture, Pynchon a donné six romans et une poignée de nouvelles. Mais quels romans ! [ah ça oui ! j'ai entendu dire qu'ils étaient très bien !] Des sommes plus considérables et inclassables les unes que les autres [par exemple : Vineland est plus inclassable que Mason & Dixon ; et V est plus considérable que Vente à la criée... Un classement est en cours, ne quittez pas].

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Des romans-continents
[les personnages voyagent], épiques [des péripéties adviennent], excessifs [le dernier est vraiment très gros], spectaculaires [d'autres péripéties adviennent, ça n'arrête pas] et toujours sculptés à la virgule près [rarement vu une telle maîtrise dans l'usage de la ponctuation]. Ils s'appellent V (1963), Vente à la criée du lot 49 (1966), L'Arc-en-ciel de la gravité (1973), Mason & Dixon (1997)... [zut, y en manque deux ; la perfection n'est pas de ce monde] et ont profondément marqué le paysage littéraire américain. On s'y enfonce, on butte [oui, oui], on tâtonne, on s'égare avec délice dans des arborescences sans fin [= j'ai essayé de lire les autres et je n'y suis pas arrivé non plus]. Bien malin qui pourrait les définir [= plus malin que moi] car, comme le dit Elfriede Jelinek, Prix Nobel et traductrice de Pynchon en allemand, "Thomas Pynchon est un auteur qui prend TOUT pour objet." [Ouch. Je demande au lecteur de se poser cinq minutes pour considérer TOUTES les implications de cette assertion pangermanique ; pendant ce temps, je vais me prendre un petit café]. Et qui brasse joyeusement tous les savoirs, y compris les plus pointues des sciences dures [à ne pas confondre avec les sciences molles et émoussées, que Pynchon délaisse  copieusement]. Dans Face à Pynchon, un passionnant [= court] recueil d'hommages - où l'on trouve des textes de Pierre-Yves Pétillon, Rick Moody, Brice Matthieussent, Brian Evenson, Pierre Senges... et bien sûr Claro, le très talentueux traducteur de Pynchon en français -, Elfriede Jelinek écrit encore : "Il existe peu d'auteurs à propos desquels des articles paraissent aussi bien dans Scientific American que dans le New Yorker. Certains essais sur Pynchon se lisent comme des travaux scientifiques sur les mathématiques et le sont peut-être - Pynchon tirant ses métaphores de la physique et de la chimie classiques, comme d'autres de la mythologie classique." [recopier des citations évite d'écrire des conneries qu'on aurait inventées soi-même.]
Dans ce grand Tout, on peut tout de même
[ouais parce que bon, ça va bien à la fin...] isoler quelques thèmes récurrents : la décadence, la paranoïa, l'entropie, le racisme, le colonialisme, la cartographie, les mystifications de la technique (Pynchon a commencé sa carrière comme assistant ingénieur chez Boeing), les complots, les sociétés secrètes, les puissances obscures (simplement désignées en anglais par "Them", "Eux") [ah, c'était çaaaaa...]… Bref, toute une littérature "des conspirations et des labyrinthes" qui fait qu'on a souvent qualifié Pynchon d'"écrivain paranoïaque". On retrouve presque tous ces sujets [mais pas tout à fait : j'ai fait le compte] dans Contre-Jour, publié aux Etats-Unis en 2006. Tenter de résumer ces 1200 pages serait à peu près aussi vain et prétentieux que de vouloir synthétiser en quelques phrases A la Recherche du temps perdu [= Je n'ai lu ni l'un ni l'autre]. Disons [ouais, tiens, disons ça] que l'un des axes du livre est l'histoire de Webb, un mineur anarchiste, assassiné par deux tueurs à gages, lesquels ont été embauchés par un ploutocrate du nom de Vibe. Hantés par la mort de leur père, les enfants de Webb ont juré de se venger du clan Vibe. Commence alors un voyage étourdissant, en forme de vrai-faux roman d'aventures [à ne pas confondre avec le faux-vrai roman d'aventures qui, lui, ne vaut pas tripette], qui conduit le lecteur du Colorado à Venise, de Chicago en Angleterre en passant par le Mexique : un récit planétaire où l'on croise des syndicalistes aux prises avec le grand capital, de jeunes aéronautes échappés de Jules Verne, des fabricants d'anamorphoses, des dynamiteurs de voies ferrées, des cow-boys en goguette et mille autres personnages sidérants, parmi lesquels des chiens qui lisent des romans de Henry James. En filigrane court une réflexion sur le temps, l'Histoire et la lumière, omniprésente dans le roman - boules de feu, électricité, étincelles, explosions, réfractions... - jusqu'à la chute finale qui ouvre sur la clarté céleste et sur la grâce [= j'ai lu la dernière page, et la quatrième de couverture].

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Etincelant, un peu aveuglant parfois, comme quand on passe du noir au plein soleil : toutes les métaphores sur la lumière peuvent s'appliquer à ce bien nommé
[pfew ! on a trouvé in extremis la clé du livre] Contre-jour. Au cœur du roman, il y a d'ailleurs une histoire liée au spath d'Islande [= j'ai lu l'article de Claro dans Face à Pynchon], cette calcite très pure qui divise en deux le rayon qui la traverse. Vues au travers de ce cristal, les images se dédoublent, comme se dédoublent et se démultiplient à l'envi les ramifications de cette somme en trompe-l'œil et jeux de miroirs dont une seule lecture n'épuise pas le sens [certes non ; je l'ai d'ailleurs lu quatre fois pour être sûre]. Le grand roman de la lumière écrit depuis l'obscurité, Pynchon, c'est probable [mais encore une fois, on n'est jamais sûr de rien avec ce diable d'homme], en sourit encore.

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Z
Monsieur, quelle lâche attaque contre ce pilier de la critique littéraire française qu'est Le Monde des livres ! Le Monde des livres qui naguère nous révéla Pingeot, et qui cet automne nous redonne Angot ! Enough said.
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