L'Ile du sommeil, suite : les personnes qui se sont manifestées sur ce blog peuvent m'envoyer leur adresse en privé.
Semi-discussion l'autre soir chez un ami éditeur sur le style et la nécessité, plus générale, de prendre du temps pour écrire un livre. Dans une certaine mesure, j'ai du mal à croire à tout ça. Je veux dire, je pourrais passer deux ans à écrire un livre au lieu de deux mois mais, pour le genre de romans que j'affectionne, cela ne changerait, me semble-t-il, pas grand-chose - il est même probable qu'une majorité de lecteurs préfèreraient le livre écrit en deux mois à l'autre. Une certaine éditrice nantaise me soufflait cette idée il y a six ans, et elle n'a cessé de me hanter depuis lors. Le fait est que j'écris pour les lecteurs, pas pour moi, et l'idéal de perfection vers lequel je pourrais tendre, à force de réécriture, serait une chose si subjective et personnelle qu'elle n'intéresserait sans doute personne. J'ai eu plusieurs fois l'occasion de constater (il s'agit bien entendu d'une généralité) que, si les gens mettent deux ans à sortir un livre, ce n'est pas pas parce qu'ils s'échinent dessus pendant deux ans, mais bien parce qu'ils écrivent vingt heures par mois. J'ai pu aussi vérifier que les critiques et les théoriciens les plus persuasifs sur le papier écrivent ou publient souvent des livres qui ne me convainquent nullement. C'est une question qui en appelle d'autres, et à laquelle il est très difficile de répondre sans établir des postulats définitifs et intrinsèquement subjectifs. J'aime Nabokov, Pynchon, Axionov, Flaubert, Henry James, mais je serais assez incapable d'expliquer ce qui les place au-dessus du lot, ou de convaincre un lecteur qui ne trouverait nul plaisir à leur lecture.
A part ça, j'ai enfin vu Moon, de Duncan Jones, hier soir et, ma foi, c'était très bien, mais le tressaillement métaphysique auquel je m'attendais n'est jamais arrivé.