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(please follow) the golden path

Llittérature, films, séries, musique, etc.

Appelfeld : une rencontre

Publié le 21 Juin 2011 par F/.

Passage impromptu hier à la librairie Atout Livre pour une soirée consacrée à Aharaon Appelfed, auteur, et Valérie Zenatti, auteur aussi, interprète pour l'occasion et merveilleuse traductrice dudit Aharaon avec lequel elle entretient une relation quasi filiale qui ne peut qu'émouvoir. Je connaissais Valérie, bien sûr : voisine pendant longtemps, soeur d'écriture à la fois proche et lointaine avec laquelle j'entretiens, depuis des années, une relation particulière faite de pensées croisées, de silences et de connivences (combien de fois ai-je entendu une documentaliste me glisser "Ah, Valérie m'a parlé de vous" ?). Je n'avais jamais vu "son" Aharon en vrai, en revanche, et j'ai pris cette rencontre comme un choc : ce petit homme malicieux, à la voix douce et aux gestes d'oiseau, impose un respect instinctif. C'est un magicien habité, humain au plus profond ; ses doigts voletant dessinent des arabesques sages, sa parole ténue est une grâce et l'assistance se tait, touchée au coeur. Accessoirement, mais il est important de le préciser, Appelfeld est un écrivain de tout premier plan. Philip Roth, qui en fait un personnage de son Opération Shylock, est catégorique : ce que cet homme nous apprend de la nature humaine est à la hauteur littéraire de Franz Kafka et de Bruno Schulz. Inspiré par la Bible, Appelfeld conçoit le verbe comme une mission sacrée, engageant toutes les facultés de l'âme humaine. "Et soudain, la musique qui avait entraîné mes doigts sur les feuilles blanches me revint, et je sus que la porte qui obstruait ma route avait été forcée." Les pages de Le garçon qui voulait dormir, le nouvel opus d'Appelfeld paru il y a quelques mois aux Editions de l'Olivier, vibrent comme toujours d'une poésie étrange. La vie, malgré toute son horreur, est un rêve dont l'enfant (qui, parallèlement, lutte pour sortir du sommeil) refuse de se réveiller, "All that we see or seem is but a dream within a dream", comme l'écrivait E.A. Poe. Grandir avec ou contre ses souvenirs, se métamorphoser et rester le même, dormir éveillé, Appelfeld a accompli ces miracles et d'autres, et on comprend que Valérie Zenatti en ait fait la figure tutélaire de Mensonges, son livre à elle, explorant les liens complexes qui unissent la fiction à la vie - un thème, vous l'imaginez bien, auquel je ne pouvais rester insensible mais qu'elle explore ici sous un angle tout à fait étonnant et à ma connaissance assez inédit, explorant son passé comme on marque les bornes d'un chemin iniatique, devenant par endroits le personnage qui l'a fait naître. "C'est parce que tu es en colère que nous sommes vivants." La soirée se termine sur des chants yiddish interprétés par Michèle Tauber, qu'on peut notamment entendre ici. Penser que ces chants ont pu bercer l'enfance d'Appelfeld avant l'Horreur, penser à ce qu'ils réveillent peut-être en lui de souvenirs et de force me fait monter les larmes aux yeux. Pour finir, j'irai faire signer mes deux livres. "Are you jewish ?" me demande Aharon. "No, dis-je. But i've written a book about jewish people. The ones who made Hollywood." Le visage de cet homme est un sourire perpétuel : "Of course. We brought craziness to the US. We brought imagination." J'ai envie de lui dire que c'est exactement de cela que j'ai voulu parler, mais à quoi bon ? Une bise à Valérie avant de partir : "Tu as énormément de chance, dis-je encore. Quelle rencontre !" Elle opine ; ses yeux brillant disent la reconnaissance.

 

http://www.rue89.com/files/20080322AppelfeldVig9.jpg

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R
<br /> ... Merci ... Sourires (des..) Dine ...<br /> <br /> <br />
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