Hier soir, j'étais chargé par mon copain Oliver G. de guetter la recension du Désolations de David Vann dans Le Masque et la plume de France Inter - une émission, faut-il le préciser ? que je n'écoute plus depuis des lustres et dont le seul objectif est, manifestement, de susciter la colère et/ou la consternation des auditeurs, puisqu'il faut bien susciter quelque chose. Le problème du Masque, c'est que ses intervenants ne sont pas des critiques littéraires, seulement des gens qui donnent leur avis comme on parlerait du temps qu'il fait. Pour un résultat identique, autrement dit, on pourrait interroger mon voisin de pallier (on ferait bien, d'ailleurs) : il suffirait de lui fournir un dossier de presse. Une aptitude à la lecture serait un plus appréciable. Il y a quelques années, une chroniqueuse avait déclaré ne pas aimer Cars parce qu'elle "n'aimait pas les voitures". Une autre, à propos de Lunar Park, avait parlé sans rire du mariage de Bret Easton Ellis, qu'elle croyait authentique. Deux exemples parmi des centaines, bien sûr, mais qui donne une mesure de la vacuité du machin. Hier, Unetelle expliquait que Désolations ne lui avait pas plu parce qu'elle n'aimait pas la nature et parce que les livres déprimants, eh bien, ça la déprimait. "En tous cas, ça ne donne pas envie de camper en Alaska", nous a aussi appris l'un de ses comparses. Tout aussi bien, ces gens auraient pu nous faire partager leurs goûts culinaires ("une bonne tartiflette, quand même, c'est sympa") ou nous parler de leurs dernières vacances à Punta Cana. Du coup, quand Oliver m'a demandé si les chroniques étaient quand même "positives", j'ai eu un peu de mal à répondre. Positif, c'est quand on a envie d'acheter le livre, c'est ça ? Bon, mais si un copain a été au Pays de Galles et m'a dit que "c'était cool", ça ne me donne ni envie d'y aller ni envie de ne pas y aller : a priori, je suis content pour lui, et basta. Alors, euh, "positives" ? No sé, señor.
On sait depuis longtemps que Le Masque et la plume ne fait pas vendre de livres (cent fois moins qu'une chronique de Gérard Collard, par exemple). A la rigueur, il est permis de se demander si un étripage en règle ne constitue pas la seule chance sérieuse de voir ses chiffres grimper. Toute la question, en définitive, est de savoir si "quelque chose" est systématiquement mieux que "rien". En ce qui concerne la tranche 20h/21 de France Inter, j'ai tranché depuis un moment.