R.J. Ellory pris la main dans le sac : il gratifiait lui-même ses bouquins de commentaires enthousiastes sur Amazon (je ne vous ferai pas l'injure de vous indiquer les liens : vous les trouverez sans peine). Combien de commentaires, en quelle proportion ? "On" s'en tape. Quel est l'impact d'un commentaire sur les ventes ? De dix, de cents ? En France, dans d'autres pays ? Qu'est-ce qui empêche un éditeur de se livrer à semblable exercice, un auteur d'envoyer ses potes au charbon, sa mère, sa grand-mère ? Quid de ces auteurs totalement inconnus dont les ouvrages se voient miraculeusement gratifiés d'une rimbambelle de commentaires 5 étoiles ? Est-ce que c'est OK si on n'est pas connu ? Plus généralement, qu'est-ce qui peut pousser quelqu'un à faire ça ? L'ego ? Le fric ? "On" n'en parlera pas. "On" est simplement ravi qu'un type se soit fait gauler. Un qui vend, qui plus est, ah, ah - cet enfoiré va payer pour les autres, préparez le goudron et les plumes. L'ordre morale a été bafoué, bonnes gens : on peut maintenant noyer l'affaire sous un torrent d'approximations et de jugements à l'emporte-pièce. Attention, hein. Je ne suis pas en train de dire que c'est cool. Voler un truc chez Monop ou mentir à sa copine ou se faire passer pour quelqu'un qu'on n'est pas n'est pas cool non plus mais vous voulez un scoop ? D'après une récente étude, le mâle occidental moyen mentirait six fois par jour - y compris à des sondeurs. Ce qui n'est vraiment pas cool, on le sait tous, c'est se faire choper. Et on est trop content quand ça arrive à quelqu'un d'autre.
Mais revenons à Amazon. A titre personnel - je vous ai assez emmerdé avec ça, je crois -, je me suis récemment pris dans la gueule plusieurs commentaires lapidaires dont j'ai toutes les raisons de penser qu'ils n'émanaient pas d'un lecteur lambda. C'est le jeu, paraît-il, un jeu malsain et idiot qui pue la trouille et la rancoeur mais, comme me l'a gentiment rappelé le site marchand quand je me suis tourné vers lui, c'est un jeu qui n'a "rien d'illégal" tant qu'il n'y pas diffamation. R.J. Ellory n'a pas eu l'occasion de s'exprimer sérieusement sur l'affaire. Il a servi à la presse les excuses plates et piteuses qu'on attendait de lui. Il est coupable, point, qu'on lui coupe la tête. Bon, il se trouve que ce type est mon copain - le copain, je crois, d'un certain nombre d'auteurs et de fans français, un monsieur d'une gentillesse et d'un altruisme proverbiaux doublé d'un excellent écrivain mais, à vrai dire, ça ne change rien, je défendrais n'importe qui de la même façon, ouais, même toi, dans le fond. Parce que c'est quoi, cette pseudo éthique à sens unique ? Est-ce que la presse parle des quatrièmes de couverture comiquement abusives rédigées par la plupart des éditeurs ? Est-ce qu'elle s'étrangle d'indignation quand un jury compare Zeller à Kundera ? Est-ce que les lecteurs savent que les "sélections FNAC" et autres sont payantes ? Est-ce que l'existence de sommités à quadruple casquette, auteur/journaliste/éditeur/juré pose problème à quelqu'un ? Est-ce qu'on a droit à des articles de fond sur les magouilles du Goncourt ? Oui, les amis, le monde de l'édition est une industrie, avec tout ce que ça comporte de bruits de chiotte et de pratiques douteuses. Maintenant, si vous êtes prêts à prendre les commentaires d'Amazon, ou quelque commentaire que ce soit pour parole d'évangile, c'est votre problème. Mais Roger n'a pas à payer pour tout le monde.