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(please follow) the golden path

Llittérature, films, séries, musique, etc.

true detective (et faux spoilers)

Publié le 14 Mars 2014 par F/.

Les histoires que nous nous racontons. Les récits que nous inventons en tournant nos regards vers les étoiles. L'expérience primant sur la révélation. La possibilité, non pas seulement d'une banale rédemption, mais d'un élargissement brutal des perspectives. Non, Rust Cohle n'est pas devenu chrétien. Mais, désormais, il doute de son doute. " There was no me. Just love… and then I woke up." Comme lui, et tandis que l’œil de la caméra scrute les ténèbres à la recherche de réponses distantes, nous restons puzzled. Nous sommes tous des puzzles que quelqu'un, quelque part, a fait semblant de résoudre, et c'est le rire de ce quelqu'un qui nous constitue. Et puis quoi ? A l'étrange et tardive épiphanie de Cohle répond l'irrésistible ascension d'Errol Childress, le maître de Carcosa ("Strange is the night where black stars rise", clame le poème du Roi en Jaune), victime expiatoire de la conspiration contre la race humaine qui entend se délivrer par le meurtre du cycle infâme de la vie et attend littéralement qu'on vienne le chercher. “My ascension removes me the disc in the loop", murmure-t-il comme un candidat à la délivrance karmique : oui, c'est tout. Et, pour le malheureux spectateur happé par huit épisodes de cauchemar gothique, c'est évidemment trop peu - le "trop peu" nécessaire. Rendons grâce à Nic Pizzolatto, d'abord, d'avoir évité les deux écueils fondamentaux : celui de la farce lovecraftienne, et celui du polar hard-boiled 100% cartésien. Comme celui de Lost, l'intérêt de cette première saison de True Detective se niche dans les questions qu'elle nous arrache, dans les béances poisseuses de sa trame, dans les brusques et artificiels coups de rein de sa ligne narrative. C'est un show par essence inachevé, qui rompt avec la perfection idiote de certains de ses prédécesseurs et, en cela peut-être, ouvre une ère nouvelle. Ses mensonges, ses errances, ses manques (et ceux de ses deux personnages principaux) troublent le spectateur accoutumé à la rotondité des récits parfaits, et je soupçonne que c'est l'une des raisons de son succès. L'autre, naturellement, c'est McConnaughey, le fantôme badass des bayous qui traîne son nihilisme frelaté comme une croix nécessaire et, pour finir, tue l'ennemi fondamental à coups de tête. Rust Cohle est fatigué de Nietzsche, fatigué de cette douleur perpétuelle qu'est la vie, et c'est pourquoi il nous est parfaitement indispensable. Levant la tête au cœur du labyrinthe, juste avant la confrontation finale, il aperçoit une sorte de trou noir : le tourbillon bleuté qui déchaîne les passions avant de les engloutir, et ne recrache rien. Nous ne saurons jamais que faire de ce fatras quantique, métaphysique, hallucinatoire mais, grands dieux, mille fois tant mieux.

true detective (et faux spoilers)
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