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(please follow) the golden path

Llittérature, films, séries, musique, etc.

en réponse à votre honorée du tant

Publié le 5 Novembre 2014 par F/.

en réponse à votre honorée du tant

On peut regretter le charme de l'écriture épistolaire à l'ancienne, le temps où un facteur pouvait tomber de sa bicyclette, remplacé par ces instants si cruciaux où vous expliquez à vos bien-aimés followers que Yahoo Mail, bordel, c'est fini pour vous. On peut aussi se laisser aller à un contentement béat : Au bonheur des lettres, recueil de "courriers historiques, inattendus et farfelus " tirés du fameux site Letters of note et publié en France par les Éditions du Sous-Sol, tient allègrement ses promesses et, à vrai dire, personne ne chialerait s'il devenait le best-seller de Noël - en tout cas pas moi. Offrez-le donc, ou offrez-le vous discrètement si personne ne vous semble digne de découvrir ce que Iggy Pop raconte à ses petites fans, ou si la dernière missive de Virginia Woolf à son Leonard de mari demeure encore un mystère pour vous. Ce coffe table book érudit contient plus de cent lettres, fac-similés + traductions tour à tour hilarantes, déchirantes, à peine croyables ou intensément réconfortantes, et constitue une publicité assez convaincante (pardonnez-moi, j'enfile ici mon costume de Cap'tain Banal...) pour le, ahem, pouvoir des mots. Voyez les choses comme ça : vous recevez une lettre comme l'une de celles rassemblées dans cette anthologie, et votre vie change comme si on lui donnait un gros coup de pied au cul - en bien ou en mal, mais elle change (parfois, c'est même votre mort qui change : par exemple, si vous êtes Spencer Tracy et que Katharine Hepburn vous écrit 18 ans après votre infarctus fatal.)

Cinq exemples de lettres cool prises au hasard et que vous trouverez dans Au bonheur des lettres : celle de Raymond Chandler à l'éditeur du magazine Atlantic Monthly qui a tenté de retoucher l'un de ses textes ("quand je coupe un infinitif, bordel, je le coupe pour qu'il reste coupé") ; celle du neveu d'Adolf Hitler à Franklin D. Roosevelt, alors que l'armée américaine refuse de l'enrôler ("dans le monde d'aujourd'hui, chacun doit se poser la question de savoir quelle cause il entend servir") ; celle de Groucho Marx à son copain Woody Allen, auquel il avait temporairement arrêté d'écrire ("je sais que tu fais six trucs à la fois - donc cinq à teneur sexuelle") ; celle de Francis Crick, qui vient grosso modo de découvrir la structure de l'ADN, à son fils de 12 ans ("en d'autres termes, nous pensons avoir découvert le principe de duplication mécanique de base par lequel la vie reproduit la vie) ; et celle, enfin, du boss du marketing Campbell's à un certain Andy Warhol ("Je prends la liberté de vous faire livrer deux caisses de notre Tomato Soup à cette adresse.")

Vous l'aurez compris : Au bonheur des lettres, c'est l'histoire des siècles et de l'audace - missives lancées telles des flèches, soufflées comme des baisers, bouteilles lancées dans le grande océan sombre, pichenettes décochées aux étoiles. Le livre est massif, il coûte 36€ - soit une fois et demi plus cher seulement que l'étron fumant d'Eric Zemmour, dont nous reparlerons, hélas - et je vous conseille de ne pas le laisser traîner sur la table de l'apéro quand vous avez des invités parce que soyez-en sûrs : quelqu'un va s'en saisir et ne pas écouter du tout ce que vous avez à dire sur la disparition des classes moyennes ou cette folle au bureau qui vous pique tout le temps votre agrafeuse.

Une dernière pour la route ? La note adressée à ses supérieurs par un certain Ian Main, après qu'il a reçu un script de l'inconnu John Cleese intitulé L'hôtel en folie : "Je crains d'avoir trouvé celui-ci aussi nul que son titre."

Réjouissant, on vous dit.

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