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(please follow) the golden path

Llittérature, films, séries, musique, etc.

pas du luxe ?

Publié le 25 Novembre 2014 par F/.

pas du luxe ?

Il n'aura pas échappé aux plus connectés d'entre vous que mon post consacré à Rêver 2074 a suscité son lot de réactions sur la toile. Je passerai rapidement sur les insultes, intimidations et menaces - publiques ou non - qui semblent hélas le lot des réseaux sociaux et qui, en vertu d'une loi karmique dont l'efficience n'est plus à démontrer, ont été heureusement compensées par des discussions constructives avec certains de mes contradicteurs, pour me concentrer sur un point crucial qui me paraît avoir été mal compris. On me reproche de parler de l'anthologie sans avoir lu les nouvelles. Sur le coup de la colère provoquée par le caractère à mon sens assez grotesque de la préface (je n'en démords pas), j'ai dû mal m'exprimer. Mon intention n'a jamais été de proposer une critique littéraire de Rêver 2074 (d'autres se sont chargés de ce travail bien mieux que j'aurais pu le faire). Mon billet était un billet de polémiste, censé idéalement ouvrir un débat : pourquoi participer à un tel projet, l'auriez-vous fait, vous, et si oui pourquoi ? et, de façon plus générale : le luxe, qu'est-ce que c'est aujourd'hui, à quoi ça sert, qu'est-ce que ça fait peser sur la société, etc. ? Dans ce contexte, les qualités littéraires et éventuellement subversives de tel ou tel texte ne m'intéressent pas : chacun y trouvera de toute façon ce qu'il veut et j'espère bien, tout de même, que les nouvelles ne s'inscrivent pas béatement dans le prolongement de la préface sus-citée. L'once d'humanité que j'appelais de mes vœux ne concerne pas les auteurs - qui sont libres de leurs choix (certains se sont d'ailleurs montrés très clairs sur le sujet) et qui ont une vie à mener - mais l'essence même du projet. Le Comité Colbert, qui veut promouvoir le "luxe à la française", commande des nouvelles à des auteurs de science-fiction. Qu'est-ce que ça signifie ? De quoi ce comité est-il le nom, en quoi ce projet s'intègre-t-il dans sa stratégie de communication ? En quoi, aussi, aide-t-il la SF (puisque cet argument a été avancé) ? Sur l'essentiel de ces points, mon opinion est arrêtée, la préface d'Alain Rey, dument validée par le Comité, me semblant sans équivoque. Au risque d'émettre une lapalissade, je ne suis pas un ennemi du beau et du raffiné, et je crois que personne ne l'est. Nous parlons ici d'une industrie en perpétuelle mutation, de la promotion du luxe à la française. Nous parlons de coût, de sens et d'idéologie. A ce sujet, je vous invite à jeter un œil à ce texte de la revue Apparences qui, bien que datant de 2007, me paraît toujours d'actualité. "L’industrie du luxe telle qu’elle se définit aujourd’hui, écrit notamment Marc de Ferrière le Vayer, me paraît très éloignée d’une définition qui qualifierait le luxe d’alliance complexe du brio et de la somptuosité dans la production d’objets dont la fabrication comme la distribution sont spécifiques." (On pourrait également gloser sur les récentes inquiétudes du Comité qui, l'année dernière, réclamait plus de sécurité à Paris pour les touristes, a.k.a. consommateurs - hélas !, on dirait bien que les voleurs préfèrent traîner dans le 8e arrondissement qu'en Seine-Saint-Denis, allez comprendre. Disons simplement que l'interpellation manque un peu d'élégance). Luxe, mensonges et marketing, l'ouvrage de Marie-Claude Sicard synthétisé ici, démontrait il y a dix ans déjà qu'un certain nombre d'allégations présentées par l'industrie française comme des truismes absolus relevaient surtout, dans certains cas, de la contre-vérité. Il ne s'agit pas de tirer à boulets rouges sur une industrie mais de pointer, à l'heure où les inégalités s'accroissent, ses mensonges, ses dérives et ses stratégies de contournement - catégorie dont Rêver 2074, dans une mesure pas tout à fait anodine, me semble relever. Le débat reste ouvert.

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M
D'ailleurs, Fabrice, il me semble que dans un de vos romans, "Arcadia", apparaît la figure de William Morris, grand défenseur du luxe, pensé non comme l'ostentatoire ou un outil de distinction sociale, mais comme la nécessité de réintroduire le beau dans tous les foyers. Or, même si on trouve parfois des discours "morrissien" chez les industriels du luxe, ce ne sont que des discours - le luxe d'aujourd'hui n'a rien à voir avec le beau. C'est de l'argent, de l'excès d'argent. Peut-être que ce Comité le sait très bien, et que cette opération n'est qu'une tentative de "value-washing" (comme on dit qu'il y a du "green-washing" pour parler de ces entreprises qui font croire qu'elles sont éco-responsables...).
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