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(please follow) the golden path

Llittérature, films, séries, musique, etc.

un visage et des masques

Publié le 7 Septembre 2015 par F/.

un visage et des masques

A la page "ambiguïté" du dictionnaire, le portrait de François Mitterrand ferait une excellente illustration. Dans Mitterrand : un jeune de homme de droite, brillante BD de Philippe Richelle et Frédéric Rébéna qui sort ces jours-ci chez Rue de Sèvres, le futur pensionnaire de l’Élysée se dévoile sous un jour glorieusement incertain : un misanthrope animé de valeurs réelles, un homme de Vichy refusant la collaboration, un intriguant à l'intelligence acérée, surtout, qui possède toujours un coup d'avance sur ses adversaires et promène sur tout et chacun (la politique, l'amour, quelques amis, une représentation possible de l'avenir) un regard calme, hautain, profond, impénétrable. Quand l'histoire commence, - la sienne - Mitterrand est âgé d'à peine 20 ans, il joue au tennis, brillamment et il veut devenir écrivain - pour remporter le Goncourt, sinon rien. Ce qui fascine, dans le trait de Rébéna, c'est le visage de cet homme impavide, les deux points noirs du regard ci-dessus évoqué. Animé d'une indéniable droiture, qui ne relève pas tant d'un sens moral bon teint que d'une inflexible exigence quant à sa propre personne, le jeune François courtise, patiente, s'évade, manigance ; mais on le sent déjà ailleurs, au plus haut. C'est le récit fascinant et glaçant d'une irrésistible attention qui s'arrête, momentanément, sur la mort abrupte d'un enfant au sortir de la guerre. Le point de rupture ? Cette hypothèse, comme les nombreuses qui émaillent le récit, n'est jamais clairement formulée. Le mérite en revient clairement à Philippe Richelle : jamais directif, son propos louvoie, épouse les contours d'une destinée qui se cherche. Ainsi, l'histoire saute d'un épisode à l'autre comme on traverse un gué, et le mystère Mitterrand demeure entier. "De la même manière que beaucoup de pétainistes de la première heure, explique le scénariste dans une interview, [Mitterrand] basculera du côté de la Résistance, mais je ne crois pas au plan de carrière. S’il a pu parfois se montrer opportuniste, il ne fait aucun doute que son engagement de résistant a été sincère. Ce n’est pas un idéologue, dans ses jeunes années il est même très virulent vis-à-vis du monde politique, qu’il méprise. Il a un côté voltairien, qui réagit aux événements de façon empirique." On ne peut que souscrire. Plus que les choix, dictés par un effrayant pragmatisme qui ne s'est, par la suite, jamais démenti, c'est la nature de la volonté qui intrigue. "La vie est une merveilleuse invention", glisse Mitterrand, soudain lyrique, à l'une de ses conquêtes. On le sent ébloui : comme un chasseur qui caresserait pensivement la crosse d'un fusil conçu sur mesure, et laissé là par quelque puissance supérieure.

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E
Et pour continuer dans l’ambiguïté, cet article du Grand Soir : http://www.legrandsoir.info/mitterrand-et-les-mensonges-d-outre-tombe.html<br /> C'est un plaisir de découvrir ce blog Please Follow the golden path qui se lit comme un roman.
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F
Merci, Edith !