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(please follow) the golden path

Llittérature, films, séries, musique, etc.

rentrée littéraire (1)

Publié le 30 Août 2013 par F/.

J'ai reçu une vingtaine de livres cet été : des demandes spécifiques et des envois spontanés en (à peu près) égale mesure. Je me suis promis d'essayer, au cours des jours à venir, de parler de mes coups de cœur. Dans la mesure où les maisons qui m'envoient des romans sans m'en parler au préalable connaissent généralement mes goûts (coucou, Albin Michel ; hello, Belfond), le risque d'une mauvaise surprise est faible. L'idée de ne tresser que des lauriers n'est cependant pas ici une question de principe. Je n'ai rien contre les critiques assassines, je trouve même que notre petit paysage tranquille en manque cruellement - la plupart des journaux et magazines prétendant faire la pluie et le beau temps en la matière se contentant le plus souvent de souffler sur les nuages en invoquant de piteuses questions d’espace. Mon problème à moi est celui du temps : quand un livre m'emmerde, je ne le termine pas, sauf si je suis payé pour ça (ex. : le dernier Darrieussecq) – je ne parlerai pas ici du Naissance de Yann Moix, totalement hors-concours dans sa démesure idiote. Donc ? A mes yeux, et de loin, le meilleur roman de cette rentrée littéraire est Confiteor du Catalan Jaume Cabré, qui sort demain chez Actes Sud. Non, je n'ai pas lu tous les livres et, oui, c'est éminemment subjectif, cette bonne blague. Seulement, je sais que je ne trouverai pas mieux, je l'ai su au bout de cinquante pages, c'est ainsi, ça ne soigne pas. De quoi parle Confiteor ? Du Mal, globalement. Du Mal, de la mémoire, et de l'art comme garde-fou - un garde-fou rouillé, prêt à céder sous le poids du premier innocent venu. Atteint de la maladie d'Alzheimer, Adrià, le narrateur, raconte son histoire anodine et tragique : dans le désordre, forcément, ce même désordre qui plane sur le 20e siècle et bouscule les destins et écrase les âmes en aveugle. Dépositaire malgré lui d’un secret fragmenté, le lecteur croise, au détour des pages de cet incroyable récit-gigogne, un violon semi-maléfique (vraiment : je croyais entendre son grincement pendant la majeure partie de l'histoire), une femme aimée qui semble fuir l'amour comme une cible se dérobe à la flèche du temps, un ami au sourire triste s’efforçant de recoller les morceaux et puis, par des chemins détournés, mais naturellement, hélas ! il arrive à Auschwitz, via l'Inquisition, via la lâcheté, via des siècles de connexions souterraines et viciées. Je vais me défausser : il est quasi impossible de parler correctement de ce livre, de le circonscrire, d'en donner la pleine mesure, comme il est quasi impossible d’évoquer Ada ou l'ardeur ou de l'Harmonia Caelestis d'Esterházy, les deux chefs-d’œuvre qu'il m'a rappelés, sans empiler bêtement les superlatifs. Contentons-nous d’annoncer que Confiteor est un monstre, tantôt sévère, tantôt cajoleur, un monstre leste et terrible qui vous fera monter sur vos épaules pour vous montrer le monde mais refusera de vous laisser descendre quand vous le lui demanderez. N'ayez pas peur : j'ai écrit quelque chose de beaucoup plus académique dans Chronicart, je vous copierai/collerai l'article le moment venu – j'évoque notamment la beauté simple de ce style (magnifiquement rendue par Edmond Raillard) qui enjambe les siècles d'une virgule et, ailleurs, articule une sorte de poétique de l'effondrement. Baladez-vous sur le Web, quand même, regardez les premières critiques. Ce roman est un séisme. Il vous engloutira vivant.

 

 

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O
et in arcadia ego<br /> J'en suis à la troisième partie de "confiteor".<br /> L'incipit du roman, bluffant, tremblant de convictions, après, Joyce, bien sûr, mais pas seulement.La première transition narrative m'a demandé plusieurs lectures, faut accrocher le tempo (le<br /> vibrato), mais continuons à apprendre cette langue narrative, puisqu'il est question de cela, apprendre des langues inconnues, découvrir des instruments mystérieux, et attendons l'image cachée.<br /> Et le psg dans tout ça ?<br /> " ce temps où Barcelone, quand la nuit tombait, était encore une ville qui, elle aussi, s'endormait"
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I
Convaincue !
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