Je ne sais pas vous, mais j'ai l'impression qu'il flotte actuellement un air de morosité assez hallucinant sur le pays. Tout le monde serre les fesses en attendant le second tour, ou quoi ? M'est avis qu'il faudra continuer de toute façon à les serrer après. Les librairies sont vides, les enthousiasmes retombent, les gens regardent leurs pieds, l'espoir s'étiole. Vrai, je commence à avoir pas mal de copains au chômage et/ou en situation de précarité. Le côté bohème déteint sur l'étiquette bourgeois, mais ce n'est pas par choix. Des copains divorcent, ont divorcé, ou vont le faire. Relu cette phrase de Stephen King, il y a peu, non sans gratitude pour la femme de ma vie : "la combinaison d'un oragnisme en bonne santé et d'une relation stable avec une femme autonome [...] est ce qui a rendu possible un travail régulier et continu dans ma vie d'écrivain." A ce propos, tiens : le truc à la mode, en ce moment, c'est d'expliquer qu'artiste ne va/doit plus être un métier, qu'il n'est de toute façon pas normal d'en vivre, que l'art appartient à tout le monde. Trois réflexions en passant : d'abord, ces remarques émanent systématiquement de personnes qui, à l'heure actuelle, ne vivent pas de leur art ou de leur artisanat (plume, pinceau, instrument). Ensuite, elles sont généralement publiées dans des magazines eux-même payants, ce qui me semble légèrement contradictoire. Enfin, il ne vous surprendra pas de savoir que, sur le principe, je suis parfaitement d'accord : l'idée de payer pour avoir accès à l'art est plutôt déprimante. Mais beaucoup moins que celle d'avoir à payer pour bouffer, se soigner ou s'abriter de la pluie.